Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 94

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

INTERNATIONAL PRIVÉ

2 Cass. ass. plén., 3 juill. 2015 (2 arrêts), nos 14-21323
et 15-50002
(1er arrêt) Vu l'article 47 du Code civil et l'article 7 du décret du 3 août 1962 modifiant certaines règles relatives à l'état civil,
ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; [...]
Attendu que, pour refuser la transcription, l'arrêt retient qu'il existe un faisceau de preuves de nature à caractériser l'existence d'un processus frauduleux, comportant une convention de gestation pour le compte d'autrui conclue entre M. X...
et Mme Z. ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle n'avait pas constaté que l'acte était irrégulier, falsifié ou que les faits qui y
étaient déclarés ne correspondaient pas à la réalité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
(2e arrêt) Mais attendu qu'ayant constaté que l'acte de naissance n'était ni irrégulier ni falsifié et que les faits qui y étaient
déclarés correspondaient à la réalité, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la convention de gestation pour autrui
conclue entre M. X... et Mme Z. ne faisait pas obstacle à la transcription de l'acte de naissance ; (arrêt nº 1 : cassation ; arrêt
nº 2 : rejet)

■ Faits
Dans les deux espèces, un homme a sollicité les services d'une mère porteuse russe et a procédé à la reconnaissance
de l'enfant à naître. L'acte de naissance de l'enfant, établi en Russie, mentionne comme père l'homme de nationalité
française et comme mère la femme qui a accouché de l'enfant. La transcription de l'acte de naissance au service de
l'état civil des Français nés à l'étranger a été rejetée par le tribunal de grande instance de Nantes.
Dans l'une des affaires, un arrêt confirmatif a été rendu par la cour d'appel, tandis que dans l'autre affaire un arrêt
infirmatif a décidé que la transcription s'imposait. Dans la première espèce, le pourvoi formé par le père biologique est
accueilli. Dans la deuxième espèce, le pourvoi du procureur général est rejeté.

■ Portée
Dans les deux litiges, la cour d'appel de Rennes a retenu à quelques mois d'intervalle des solutions totalement opposées. Son changement de position s'explique par les arrêts Mennesson (CEDH, 26 juin 2014, nº 65192/11) et Labassée
(CEDH, 26 juin 2014, nº 65941/11), rendus entre-temps par la Cour européenne des droits de l'homme, dans lesquels
celle-ci condamne la France pour violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. L'impossibilité pour les enfants nés de gestation pour autrui (GPA) d'établir ou de faire reconnaître leur filiation, au moins vis-àvis de leur père biologique, constitue une atteinte à leur droit au respect de leur vie privée.
Par deux arrêts rendus en Assemblée plénière du 3 juillet 2015, la Cour de cassation, prenant acte de la condamnation
de la France par la Cour européenne des droits de l'homme, opère un revirement de jurisprudence. En effet, par différents arrêts antérieurs, la Cour de cassation énonçait « qu'en l'état du droit positif, est justifié le refus de transcription
d'un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays, lorsque la naissance est
l'aboutissement, en fraude à la loi française, d'un processus d'ensemble comportant une convention de GPA, convention, qui fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité d'ordre public » (Cass. 1re civ., 13 sept. 2013, nos 12-18315
et 12-30138).
Désormais, l'interdiction des conventions de GPA en France ne constitue nullement un obstacle à la transcription des
actes de naissance des enfants nés à l'étranger par GPA. Seul importe le respect des conditions posées par l'article 47
du Code civil relatif à la force probante des actes étrangers de l'état civil. Aux termes de cet article, qu'il convient de
lire à la lumière de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, un acte rédigé dans les formes

Table des matières de la publication Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e