Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 96

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

INTERNATIONAL PRIVÉ

3 Cass. 1re civ., 18 janv. 2007, nº 05-20529 et 3 mars 2010, nº 0913949
(1er arrêt) Vu l'article 3 du Code civil :
Attendu que la loi applicable à l'état et la capacité des personnes est la loi nationale ;
(2e arrêt) Attendu d'abord, que le tribunal ne pouvait prendre en considération la Convention de La Haye sur la protection
des adultes, celle-ci n'étant entrée en vigueur que le 1er janvier 2009 ; qu'ensuite, faisant application du régime portugais
de l'interdiction, il a retenu que le droit portugais, désigné par la règle française de conflit de lois, permettait de confier la
tutelle à un professionnel dès lors qu'elle ne pouvait être exercée par un membre de la famille ; d'où il suit que les moyens
ne peuvent être accueillis ; (arrêt nº 1 : cassation ; arrêt nº 2 : rejet)

■ Faits
Les deux arrêts ont été rendus dans la même affaire. Une femme de nationalité portugaise vivant en France a fait
l'objet d'une mesure de tutelle en 2004. Elle a contesté la mesure prise par le juge des tutelles devant le tribunal de
grande instance de Versailles. Ce dernier a confirmé la décision. Ce jugement a été cassé au visa de l'article 3 du Code
civil par un arrêt du 18 janvier 2007. Dans le jugement rendu sur renvoi après cassation, le tribunal de grande instance
de Nanterre a placé la femme sous le régime de l'interdiction du droit portugais. Le second pourvoi formé par la
majeure protégée a été rejeté.

■ Portée
Contestant à juste titre l'application de la loi française dans son premier pourvoi, la majeure protégée, n'étant pas à
une contradiction près a, au contraire, revendiqué dans son second pourvoi la mise en œuvre de cette loi, en invoquant la Convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes. Aux termes de
l'article 1er de cette Convention, les personnes qui, « en raison d'une altération ou d'une insuffisance de leurs facultés
personnelles, ne sont pas en état de pourvoir à leurs intérêts » peuvent faire l'objet d'une mesure de protection prise
par les autorités de leur résidence habituelle, en vertu de la loi du for. L'alignement de la compétence législative sur la
compétence judiciaire permet de faciliter la mise en œuvre de la mesure, puisqu'elle est conforme à la loi de l'État où
elle doit être exécutée.
L'article 50 de la Convention de La Haye dispose que celle-ci « ne s'applique qu'aux mesures prises dans un État après
son entrée en vigueur ». Or, cette convention n'est entrée en vigueur en France que le 1er janvier 2009. Le litige ayant
donné lieu aux deux arrêts rapportés relevait donc du droit commun.
Aux termes de l'article 3, alinéa 3 du Code civil, bilatéralisé par la jurisprudence (CA Paris, 13 juin 1814, Busqueta),
l'état et la capacité des personnes sont régis par leur loi nationale, ainsi que le rappelle la Cour de cassation dans
l'attendu de principe formulé dans l'arrêt du 18 janvier 2007. Un commentateur de cet arrêt a fait justement remarquer qu'il s'agit d'un « attendu de principe ciselé comme à la belle époque du droit international privé » (Fossier T.,
Dr. famille 2007, comm. 70). La loi portugaise était applicable au litige.
En pratique, la mise en œuvre de la loi nationale de l'intéressé est source de difficultés pour le juge. Les droits nationaux prévoient des mesures de protection très diverses et leur contenu est parfois difficile à établir. À ce sujet, la
Convention de La Haye simplifie la solution applicable. Toutefois, ce texte, qui institue un mécanisme de coopération
entre États et prévoit une reconnaissance de plein droit des mesures prises par les autorités d'un État contractant dans
les autres États contractants, a de facto des limites. Pour l'instant, la Convention n'a été ratifiée que par un nombre

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