Mémentos LMD - Droit administratif général - 6e - 59

CHAPITRE 2 - Les conflits entre les sources du droit administratif

l'Europe (art. I-5) dont la ratification avait pourtant été massivement rejetée lors du référendum du 29 mai 2005 en France.
Par le biais de cette notion, le Conseil constitutionnel semble opérer un tri dans la
Constitution entre deux types de dispositions :
- celles qui relèvent de l'identité constitutionnelle, susceptibles d'arrêter la primauté
du droit européen ;
- les autres, moins importantes, qui peuvent être traversées par le droit européen.
La protection constitutionnelle, par réduction de sa surface, a ainsi été considérablement
diminuée. On peut même se demander si, dans le cadre de cette jurisprudence, la digue
constitutionnelle ne commence pas à céder.

B - Les conflits entre la loi et les traités
La décision du Conseil d'État de procéder à un contrôle de conventionalité a entraîné
une atteinte à la séparation des pouvoirs et une atteinte à la souveraineté de l'État.

1) Le contrôle de conventionalité
Depuis l'arrêt Nicolo du 20 octobre 1989, le Conseil d'État, suivant la Cour de
cassation12, contrôle la compatibilité d'une loi avec les stipulations d'un traité, même
lorsque la loi est postérieure au traité. La théorie de l'écran législatif, en vertu de laquelle
lorsque la loi était postérieure au traité, le Conseil d'État la faisait prévaloir sur un traité
ou sur un acte communautaire dérivé, a donc été abandonnée avec l'arrêt Nicolo. Le
juge administratif annule désormais un acte administratif qu'il juge contraire à un traité.
Le contrôle de conventionalité a permis au juge administratif de renforcer considérablement son contrôle de la conformité du droit national au droit de l'Union européenne
originaire et dérivé et au droit de la Convention européenne des droits de l'homme.
Lorsque la loi n'est pas conforme au droit international, il écarte son application dans le
cas d'espèce concerné. Le contrôle de conventionalité marque de ce fait une brèche dans
l'incontestabilité de la loi. Celle-ci occupe désormais, par rapport au droit international et
même par rapport au droit européen dérivé, « une position seconde, subordonnée »13.

2) L'atteinte à la séparation des pouvoirs
La primauté du droit de l'Union européenne, le contrôle de conventionalité qui en
découle, ont entraîné, non sans résistance, l'abandon de l'un des fondements du droit
français : l'interdiction faite aux tribunaux de s'immiscer dans l'exercice du pouvoir législatif. Cette interdiction trouve son origine dans le principe de séparation des pouvoirs qui
interdit au juge, à peine de forfaiture, de prendre toute mesure susceptible d'être assimilée à une suspension de la loi. Le principe a été affirmé par la loi sur l'organisation
judiciaire des 16 et 24 août 1790 au terme de laquelle « les tribunaux ne pourront
prendre directement ou indirectement aucune part à l'exercice du pouvoir législatif, ni
empêcher ou suspendre l'exécution des décrets du corps législatif [...] ».
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12. Cass. civ., 15 mai 1975, nº 73-13556, Société des cafés Jacques Vabre.
13. Pactet P., « La loi, permanence et changements », in Mélanges Chapus, 1992, Montchrestien, p. 510.

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