Les Carrés Rouge - L'essentiel du droit constitutionnel Tome 2 : Les institutions de la Ve République - 18e - 102

LES INSTITUTIONS

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DE LA

Ve RÉPUBLIQUE

2) Analyse juridique

*

LA

LOI D ' HABILITATION

La loi d'habilitation autorise le gouvernement à prendre par ordonnances des mesures qui
entrent normalement dans le domaine de la loi ordinaire (art. 38 al. 1). Certains auteurs
parlent de « délégation du pouvoir législatif », d'autres « d'extension du domaine réglementaire ».
Le gouvernement, qui sollicite l'autorisation, dépose un projet de loi d'habilitation ; la demande
d'autorisation ne peut donc résulter ni d'une proposition de loi, ni d'un amendement parlementaire (CC, 20 janvier 2005, Compétences du tribunal d'instance [et autres juridictions]) ; à vrai
dire, un amendement parlementaire peut préciser ou restreindre une habilitation, mais pas
l'étendre (CC, 31 juillet 2014, Loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes). Le gouvernement peut demander au Parlement l'autorisation de recourir aux ordonnances en déposant un
amendement à un texte en cours d'examen (CC, 16 mars 2006, Retour à l'emploi). La demande
est faite par un gouvernement bien déterminé : le Conseil d'État a cependant jugé que, sauf
disposition législative contraire, le changement de gouvernement ne privait pas d'effet l'habilitation législative (CE, section, 5 mai 2006, M. Schmitt [théorie de l'habilitation impersonnelle]).
La demande du gouvernement doit être faite « pour l'exécution de son programme ». Il faut
entendre par « programme » les objectifs en vue desquels les ordonnances seront prises (exemple :
en vue de réformer la Sécurité sociale). De plus, l'urgence figure parmi les justifications du recours
à l'article 38 (CC, 26 juin 2003, Simplification du droit).
Le projet de loi doit définir avec précision l'étendue de l'habilitation, la finalité des mesures à
prendre et leur domaine d'intervention (CC, 25-26 juin 1986, Privatisations) : pour la première
fois, le 26 janvier 2017 (CC, Égalité et citoyenneté) le Conseil constitutionnel a censuré une habilitation au motif qu'elle ne comportait pas une précision suffisante. En outre, lors de l'examen de la
loi d'habilitation, le Conseil est susceptible de formuler des « réserves d'interprétation » (v. p. 175)
contraignantes pour le contenu des ordonnances (CC, 25-26 juin 1986, Privatisations). Cependant,
le gouvernement n'est pas tenu de faire connaître au Parlement la teneur des ordonnances qu'il
prendra (CC, 16 décembre 1999, Codification).
La loi d'habilitation fixe deux délais : la période pendant laquelle des ordonnances peuvent intervenir (3 à 6 mois avant 2003, désormais un an en moyenne, parfois jusqu'à 2 ans pour les ordonnances destinées à l'application des Traités européens), la date avant laquelle le Premier ministre
doit déposer le projet de loi de ratification des ordonnances pour que celles-ci soient maintenues
en vigueur (ordinairement 1 à 3 mois à compter de l'expiration de l'habilitation). Seul le législateur
peut modifier une ordonnance (dans ses dispositions relevant du domaine de la loi) « non ratifiée »
(CE, Ass., 11 décembre 2006, Conseil national de l'ordre des médecins).
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