Les Carrés Rouge - L'essentiel du droit constitutionnel Tome 2 : Les institutions de la Ve République - 18e - 98

LES INSTITUTIONS

DE LA

Ve RÉPUBLIQUE

d) La responsabilité pénale des membres du gouvernement (art. 68-1 C)
Les membres du gouvernement (le Premier ministre inclus) sont pénalement responsables des
actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils
ont été commis. Ils sont jugés par la Cour de Justice de la République (CJR) : créée en 1993,
cette juridiction spéciale est composée de 6 députés, 6 sénateurs et 3 magistrats, dont le
(ou la) président(e), magistrat de la Cour de cassation (actuellement Jean Baptiste Parlos) ; la
présence des trois magistrats semble insuffisante pour lever le doute sur une justice partisane. Les
15 membres de la CJR (et leurs 15 suppléants) sont tous élus par leurs pairs.
La Cour peut être saisie à l'initiative de toute personne physique s'estimant lésée, mais aussi par
un groupe parlementaire ; la plainte est examinée par une commission des requêtes qui ordonne
soit le classement, soit la transmission au procureur général de la Cour de cassation aux fins de
saisine de la Cour. Celle-ci peut également être saisie d'office (c'est-à-dire sans plainte d'un particulier) à l'initiative du procureur général de la Cour de cassation, mais après avoir obtenu un avis
conforme de la commission des requêtes.
En 1999, Laurent Fabius, Georgina Dufoix et Edmond Hervé ont été jugés « pour homicides
involontaires » (affaire du sang contaminé). L. Fabius (Premier ministre à l'époque des faits) et
G. Dufoix ont finalement été relaxés. La Cour a condamné E. Hervé mais en le dispensant de
peine. Une vive polémique a été suscitée par les conditions dans lesquelles s'est déroulé le
procès : l'absence de véritable caractère contradictoire de la procédure (les parties civiles ne
pouvant intervenir aux débats), le jugement final, l'impossibilité pour les victimes de se porter
partie civile (sauf à exercer devant les tribunaux ordinaires une action en réparation contre les
ministres concernés).
En 2000, Ségolène Royal (ministre alors en activité), poursuivie pour diffamation dans une affaire
de bizutage, a été relaxée. En juillet 2004, Michel Gillibert (ancien secrétaire d'État), poursuivi
pour escroquerie au préjudice de l'État, a été condamné à trois ans de prison avec sursis,
20 000 euros d'amende, et cinq années d'interdiction des droits de vote et d'éligibilité. En
mai 2010, Charles Pasqua a été condamné à une peine d'emprisonnement avec sursis pour
complicité et recel d'abus de biens sociaux dans l'affaire de la Sofremi, et a été relaxé dans deux
autres dossiers, faits remontant à l'époque où il était ministre de l'Intérieur dans le gouvernement
Balladur. Le 19 décembre 2016, la CJR (dans une décision inaudible !) a condamné Christine
Lagarde « pour négligence dans la gestion de fonds publics » (affaire concernant le rôle
de Ch. Lagarde - alors ministre de l'Économie - dans la mise en place [en 2007-2008] d'un arbitrage privé entre Bernard Tapie et le Crédit lyonnais), tout en faisant bénéficier d'une dispense
de peine (sans inscription au casier judiciaire) la directrice générale du FMI. Le projet de LC
prévoit la suppression de la CJR (v. pp. 3-4).

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