Les Carrés Rouge - L'essentiel de la philosophie du droit - 2e - 109

CONCLUSION - Propos conclusif
départ entre la théorie du droit et la philosophie du droit en calant la distinction sur la summa
divisio qui oppose le positivisme juridique au jusnaturalisme (Kelsen H., « Réponse à l'enquête de
Michel Villey Qu'est-ce que la philosophie du droit ? », Archives de philosophie du droit 1962,
nº 7, p. 131). Tandis que la théorie du droit relèverait d'une approche positiviste en ce qu'elle se
limiterait, selon une démarche explicative, à une élucidation de la règle juridique menée sans
considération de l'idéal moral qui l'anime, la philosophie juridique s'inscrirait plutôt dans une
optique d'inspiration jusnaturaliste dans la mesure où elle s'évertuerait, selon un point de vue
métaphysique, à découvrir les critères permettant de connaître le droit juste. En d'autres termes,
si la théorie du droit recherche la réalité du phénomène juridique qui gît derrière la diversité des
contenus moraux que celui-ci reflète, quels que soient les époques et les horizons où ils aient pu
prévaloir, la philosophie du droit est en quête de la vérité juridique qui s'imposerait à toutes les
formes positives adoptées par les gouvernants dans leur office de fabrication des lois. L'une
comme l'autre s'intéressent à l'universel sans avoir de ce dernier une commune conception. À la
forme universelle du droit que la théorie du droit aspire à définir, s'oppose la substance
universelle du juste que la philosophie du droit se donne la vocation de désigner. La première
serait formaliste, la seconde substantialiste.
S'agissant d'abord de la théorie du droit, certains auteurs, au profil positiviste particulièrement
marqué, revendiquent d'ailleurs cet universalisme de la forme juridique au nom d'une démarche
qui relève tout spécialement de ce qu'ils préfèrent appeler la théorie générale du droit. Il en est
ainsi d'Éric Millard (Millard E., Théorie générale du droit, 2006, Dalloz, Connaissance du droit) ou
de Michel Troper, toujours, qui estime : « Seul ce qui est commun à tous les droits positifs ou
tout au moins à quelques droits positifs peut faire l'objet d'une théorie. Or, les systèmes
juridiques n'ont en commun que la forme et le raisonnement des juristes. Ce qui fait qu'un
énoncé a la signification d'une norme juridique, c'est qu'il peut être identifié comme norme au
sein d'un système juridique et la structure de ce système, sa forme, c'est-à-dire avant tout son
caractère hiérarchisé, est supposé partout identique » (Troper M., La théorie du droit, le droit,
l'État, 2001, PUF, Léviathan, p. VI).
Ces lignes font nettement apparaître la spécificité de la théorie non seulement par rapport à la
philosophie, mais aussi par rapport à la dogmatique. Par rapport à la philosophie, bien entendu,
car la généralisation à laquelle elle s'emploie n'a pas trait, comme nous l'avons plus haut souligné,
aux valeurs substantielles (ce que Kant appellerait la métaphysique des mœurs) dont les normes
juridiques sont le reflet formel. Elle ne saurait procéder, dans de telles conditions, de façon a
priori en réputant universel tel ou tel principe de justice. La systématisation à laquelle se livre le
théoricien, aussi abstraite et détachée soit-elle de la réalité du droit positif, n'en est pas moins
issue d'un raisonnement a posteriori construit à partir d'une observation empirique de celui-ci.
Or, seule la forme du droit, étrangère à l'univers métaphysique des valeurs auxquelles s'intéresse

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