Les Carrés Rouge - L'essentiel de la philosophie du droit - 2e - 110

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L'ESSENTIEL

DE LA PHILOSOPHIE DU DROIT

la philosophie, est susceptible d'une telle observation a posteriori, quand bien même elle réside
dans nos esprits en sa qualité d'entité idéelle. Quel que soit le contenu des règles juridiques, la
forme de celles-ci reste invariable : un ensemble de normes de conduite assorties de sanctions
susceptibles de s'appliquer en cas de conduites contraires. Tel est le présupposé de départ de
toute théorie du droit. Pour autant, la théorie du droit qui doit sa scientificité à sa dimension constructive afin de permettre au juriste de voir le divin dans la chose (v. le Chapitre 8), se doit aussi
d'être générale.
En portant son attention, non pas sur un ordre juridique particulier, ni sur une norme particulière
du droit positif, mais sur ce qui est commun à tous les ordres juridiques, la fonction de généralisation qui caractérise la théorie du droit conduit celle-ci à construire son objet tandis qu'une simple
description de telle ou telle autre règle de droit, attentive aux seuls phénomènes juridiques particuliers plutôt qu'à leur généralité, reste limitée, quant à elle, à un travail de pur recensement (Sur
ces questions de comparaison entre construction et recensement de l'objet, v. Le Moigne J.-L., Les
épistémologies constructivistes, PUF, Que sais-je ?, nº 2969). Cette posture technicienne, que Paul
Amselek tient pour une simple « technologie » en ceci qu'elle n'est qu'une discipline descriptive à
visée non théorique, est souvent qualifiée de « dogmatique juridique ». C'est ainsi que la
présentent Neil Maccormik et Otto Weinberger qui distinguent la théorie structurale et la
dogmatique juridique (Pour une théorie institutionnelle du droit : nouvelles approches du
positivisme juridique, 1992, LGDJ, p. 19).
On sait que Michel Troper a une conception différente de la dogmatique juridique et la range
plutôt dans l'activité discursive des avocats qui conseillent leurs clients et qui portent, par conséquent, non pas sur le droit en vigueur, auquel s'intéresse, en revanche, la science du droit, mais
sur le droit applicable dans la mesure où pareil discours envisage, dans l'intérêt du « consommateur juridique », comment le droit devrait être appliqué et interprété par le juge. Il la range également dans le discours de la doctrine qui consiste, pour un professeur de droit, à livrer sa propre
interprétation subjective d'un énoncé juridique (v. le Chapitre 8). Dans cette optique, la dogmatique juridique est alors totalement étrangère à l'univers scientifique, puisqu'elle consiste à
orienter le juge au service d'un intérêt bien compris ou d'un idéal éthico-normatif non avoué
(Troper M., « Entre science et dogmatique, la voie étroite de la neutralité », in Théorie du droit
et science, Amselek P. (dir.), 1994, PUF, Léviathan, p. 310). Très particulière, cette approche
supporte la concurrence de celle, dominante dans la littérature juridique, qui assimile dogmatique
juridique et simple description du droit en vigueur. Alors que la dogmatique juridique ne
s'intéresse qu'aux normes, c'est-à-dire aux éléments particuliers de l'ordre juridique, la théorie du
droit créé quant à elle, pour rendre intelligible ce dernier, des catégories abstraites qu'elle répute
valable à tous les autres ordres juridiques. La première est explicative tandis que la seconde est
compréhensive.

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