Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 10e - 111

L'ESSENTIEL

110

DES

GRANDS

ARRÊTS DU DROIT DES OBLIGATIONS

2 Cass. ass. plén., 12 juillet 1991, nº 90-13602
Vu l'article 1165 du Code civil ;
Attendu que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; (...)
Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes formées contre le sous-traitant, l'arrêt retient que, dans le cas où le
débiteur d'une obligation contractuelle a chargé une autre personne de l'exécution de cette obligation, le créancier ne
dispose contre cette dernière que d'une action nécessairement contractuelle, dans la limite de ses droits et de l'engagement du débiteur substitué ; qu'il en déduit que M. Protois peut opposer à M. Besse tous les moyens de défense tirés du
contrat de construction conclu entre ce dernier et l'entrepreneur principal, ainsi que des dispositions légales qui le régissent, en particulier la forclusion décennale ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le sous-traitant n'est pas contractuellement lié au maître de l'ouvrage, la cour
d'appel a violé le texte susvisé ; (cassation partielle)

■ Faits
La construction d'un immeuble d'habitation a été confiée par M. Besse, maître de l'ouvrage, à M. Alhada, entrepreneur. Celui-ci a ensuite confié à M. Protois, sous-traitant, divers travaux de plomberie qui se sont révélés défectueux.
M. Besse a alors assigné l'entrepreneur et le sous-traitant en réparation du préjudice subi, mais la cour d'appel a
déclaré irrecevable la demande formée contre M. Protois. Un pourvoi en cassation a donc été formé.

■ Portée
Après que la Cour de cassation eut admis, en 1986, l'existence d'actions contractuelles directes dans toutes les chaînes
de contrats translatives de propriété (v. Chap. 8 : Cass. ass. plén., 7 févr. 1986), la question se posa de savoir si une telle
action ne pouvait pas être également reconnue dans d'autres groupes complexes de contrats. Un arrêt de la première
chambre civile de la Cour de cassation rendu le 8 mars 1988 répondit d'abord positivement dans le cadre d'une soustraitance, c'est-à-dire d'une chaîne non translative de propriété. Un autre arrêt de la même première chambre, rendu
le 21 juin 1988, étendit ensuite la solution à tous les groupes de contrats, même non structurés sous forme de
chaîne : « dans un groupe de contrats, la responsabilité contractuelle régit nécessairement la demande en réparation
de tous ceux qui n'ont souffert du dommage que parce qu'ils avaient un lien avec le contrat initial ». Ainsi le fondement traditionnel des actions contractuelles directes, reconnu dans les chaînes translatives, volait-il en éclats : l'action
n'était pas transmise au contractant final, elle lui appartenait pour la seule raison qu'il faisait partie de l'ensemble
contractuel. Pour le coup, les contours des notions de tiers et parties étaient largement remodelés.
L'apport essentiel de cet arrêt Besse, rendu par l'Assemblée plénière le 12 juillet 1991, est d'avoir marqué un retour
vers une conception plus stricte du lien contractuel. De fait, alors que les juges du fond avaient estimé que l'action du
maître de l'ouvrage contre le sous-traitant était « nécessairement contractuelle », la Cour de cassation a sèchement
répondu, au visa significatif de l'ancien article 1165 du Code civil (aujourd'hui : art. 1199), que « le sous-traitant n'est
pas contractuellement lié au maître de l'ouvrage ». La Cour est ainsi revenue, non seulement sur la solution qui avait
été retenue dans l'arrêt du 8 mars 1988 (il s'agissait d'une sous-traitance dans les deux cas), mais encore sur celle,
plus audacieuse, qui avait été retenue dans l'arrêt du 21 juin 1988. La jurisprudence sur les chaînes translatives, en
revanche, n'a pas été touchée. L'arrêt Besse préserve aussi, naturellement, le jeu des textes spéciaux qui ont consacré
certaines actions directes (ex. : L. 31 déc. 1975 sur l'action directe en paiement du sous-traitant contre le maître de
l'ouvrage).

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