Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 10e - 117

L'ESSENTIEL

116

DES

GRANDS

ARRÊTS DU DROIT DES OBLIGATIONS

5 Cass. com., 6 mai 1997, nº 94-16335
Vu l'article 1134 du Code civil ; (...)
Attendu que, pour condamner la société Rougeot à payer à la société GSM les factures émises par celle-ci, l'arrêt retient
qu'un contrat de commercialisation pour une durée d'une année est intervenu par lequel la société CVS a confié à la
société GSM la revente de l'ensemble de sa production, que cette convention, renouvelable par tacite reconduction, n'a
pas été dénoncée dans les formes, 6 mois à l'avance ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher si, dans le contrat conclu entre la société CVS et la
société Rougeot ou ultérieurement, cette dernière société avait donné son consentement à la substitution de sa cocontractante, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; (cassation)

■ Faits
La société Rougeot a commandé du matériel à la société CVS mais se voit assignée en paiement des factures correspondantes par une autre société, la société GSM. La cour d'appel ayant condamné la société Rougeot au paiement,
celle-ci se pourvoit en cassation.

■ Portée
L'arrêt commenté fut rendu à une époque où la cession de contrat n'était pas encore consacrée par le Code civil.
Celle-ci correspondait toutefois à une pratique déjà très répandue, consistant pour un contractant, ainsi que l'explique
aujourd'hui le code, à « céder sa qualité de partie au contrat à un tiers » (C. civ., art. 1216).
La question se posait alors de savoir si l'accord du cédé (la partie qui reste en place) était nécessaire, sachant bien sûr
que les cédant (la partie souhaitant sortir du contrat) et cessionnaire (le tiers souhaitant entrer dans le contrat) s'étaient
déjà entendus entre eux. La controverse était forte entre, d'un côté, ceux qui ne le pensaient pas, faisant valoir que ce
n'était pas tant la personne du cocontractant qui importait au cédé que la préservation des éléments objectifs du
contrat conclu (Malaurie, Aynès et Stoffel-Munck, op. cit., nº 918), et de l'autre côté, ceux qui, adhérant à une
conception plus personnelle du contrat, estimaient que le cédé méritait d'avoir un droit de regard sur tout nouveau
partenaire (Mestre, obs. RTD civ. 1997, p. 936).
La position antérieure de la Cour de cassation n'était pas claire. Celle-ci s'était certes déjà prononcée en faveur de
l'accord nécessaire du cédé, mais seulement dans le cas d'un contrat conclu intuitu personae (Cass. com., 7 janv.
1992). L'intérêt de l'arrêt de 1997, qui concernait un contrat plus ordinaire, a été de livrer une réponse générale
(Fabre-Magnan, op. cit., nº 564) : le cédé devait, en toute hypothèse, consentir à la substitution. C'est la solution qui
sera finalement consacrée par l'article 1216 du Code civil.
Il est important d'en comprendre le sens : en donnant son accord, le cédé ne devient ni partie à l'accord de cession qui
reste conclu entre le cédant et le cessionnaire, ni partie à un nouveau contrat, conclu avec le cessionnaire, qui prendrait en quelque sorte le relais du contrat originel. C'est une forme d'autorisation ou d'agrément. La preuve en est
que cet accord peut être donné, non seulement au moment de la cession, mais aussi par avance, notamment dans le
contrat originel conclu entre les (futurs) cédé et cédant (Deshayes, Genicon et Latihier, op. cit., p. 464). C'était la
position de la Cour de cassation en l'espèce, et c'est aussi la position des nouveaux textes.
Il est important, en outre, d'en comprendre toute la portée. L'accord du cédé permet à la cession de produire effet à
son égard : le cédé peut alors réclamer l'exécution du contrat au cessionnaire (son nouveau cocontractant), et viceversa. Mais l'accord libère-t-il par ailleurs le cédant ? C'est qu'on pourrait imaginer que l'ancien contractant demeure

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