Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 10e - 125

L'ESSENTIEL

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DES

GRANDS

ARRÊTS DU DROIT DES OBLIGATIONS

3 Cass. 3e civ., 30 avril 2003, nº 01-14890
Mais attendu que si, dans un contrat synallagmatique à exécution successive, la résiliation judiciaire n'opère pas pour le
temps où le contrat a été régulièrement exécuté, la résolution judiciaire pour absence d'exécution ou exécution imparfaite
dès l'origine entraîne l'anéantissement rétroactif du contrat ; qu'ayant constaté que le bail liant la société Lucie à la SCM
Gilles et Didier X avait été résolu par un arrêt devenu irrévocable du 20 février 1997 pour inexécution partielle par la bailleresse de son obligation de délivrance, la cour d'appel en a exactement déduit que la SCM Gilles et Didier X n'était tenue
depuis l'origine qu'à une indemnité mensuelle d'occupation dont elle a souverainement fixé le montant ; (...) (rejet)

■ Faits
La société Lucie a donné en location à la société civile de moyens Gilles et Didier X des locaux à usage professionnel.
Soutenant que l'obligation contractuelle de la bailleresse, qui est de permettre l'accès des locaux par un ascenseur et
un escalier latéral, est demeurée inexécutée, la société preneuse a demandé et obtenu la résolution du bail. Une expertise a cependant été ordonnée afin d'évaluer le préjudice résultant de l'absence de délivrance de la chose louée. La
question s'est alors posée de savoir si la bailleresse pouvait conserver les loyers perçus depuis l'origine, ou si elle
devait, au contraire, les restituer pour se contenter d'une indemnité due pour l'occupation des locaux. La cour d'appel
ayant opté pour la seconde solution, la société Lucie s'est pourvue en cassation.

■ Portée
Cet arrêt traite de la question délicate des effets de la résolution judiciaire.
Il est intéressant, d'abord, en ce qu'il montre que le droit ancien était plus subtil que ce que l'on prétendait parfois. Il
était couramment enseigné, en effet, que l'opposition résolution/résiliation devait être comprise à la lumière de la
nature du contrat concerné : tandis que la première sanction, rétroactive, frappait les contrats à exécution instantanée,
la seconde, n'ayant d'effet que pour l'avenir, s'appliquait aux contrats à exécution successive. L'arrêt commenté a eu le
mérite de souligner que cette ligne de partage était approximative. Une résolution judiciaire avec effet rétroactif
pouvait, en effet, sanctionner un contrat à exécution successive, dès lors que, dès l'origine, celui-ci n'avait pas été
exécuté ou avait fait l'objet d'une exécution imparfaite. La résolution ne cédait la place à une résiliation que dans le
cas contraire, c'est-à-dire quand le contrat avait été correctement exécuté pendant un temps. La résiliation, de la
sorte, « n'opér(ait) pas pour le temps où le contrat a(vait) été régulièrement exécuté ».
L'arrêt est intéressant, ensuite, en ce qu'il permet de mesurer la distance existant entre le droit ancien et le droit
nouveau, tel qu'il découle de l'ordonnance du 10 février 2016. La résolution et la résiliation sont toujours des modes
de rupture du contrat pour cause d'inexécution, mais la ligne de partage n'est plus dictée ni par la seule nature du
contrat, ni par la seule considération d'une période d'exécution paisible (Fages, op. cit., nº 311). L'article 1229 du
Code civil introduit une distinction, désormais, qui est fonction de l'utilité des prestations déjà échangées : si celles-ci
« ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu », les parties doivent restituer
l'intégralité de ce qu'elles se sont procurées ; si, en revanche, les prestations échangées « ont trouvé leur utilité au fur
et à mesure de l'exécution réciproque du contrat », il n'y a pas lieu à restitution pour la période où le contrat a été
correctement exécuté. Concrètement, la construction d'un immeuble relèvera par exemple de la première hypothèse
(utilité par la seule exécution complète), tandis que la location d'un immeuble pourra relever de la seconde (utilité au
fur et à mesure de l'exécution).
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