Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 10e - 131

L'ESSENTIEL

130

DES

GRANDS

ARRÊTS DU DROIT DES OBLIGATIONS

6 Cass. 1re civ., 20 février 2001, nº 99-15170
Vu les articles 1134 et 1184 du Code civil ;
Attendu que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon
unilatérale à ses risques et périls, peu important que le contrat soit à durée déterminée ou non ; (...)
Attendu que pour rejeter la demande de M. X en indemnisation des conséquences de la rupture unilatérale du contrat par
la société, l'arrêt attaqué retient par motifs propres et adoptés que le manquement par M. X à ses obligations contractuelles pouvait entraîner la rupture prématurée des relations contractuelles ;
Attendu qu'en statuant ainsi sans rechercher si le comportement de M. X revêtait une gravité suffisante pour justifier cette rupture, la
cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; (cassation)

■ Faits
Une société confie à un expert, en vertu d'un contrat de trois ans conclu le 25 septembre 1995, la réalisation d'expertises
préalables à la reprise, par un constructeur, de véhicules automobiles. Puis elle résilie la convention peu de temps après, le
25 octobre 1995. L'expert forme alors une demande en indemnisation des conséquences de la rupture unilatérale du
contrat, qui est rejetée par la cour d'appel au motif qu'il a manqué à ses obligations contractuelles. L'expert se pourvoit en
cassation.

■ Portée
Voici l'origine très directe des nouvelles dispositions du Code civil relatives à la résolution par notification (art. 1226).
Le très remarqué arrêt Tocqueville du 13 octobre 1998 avait constitué le point de départ d'une évolution fondamentale
du droit français. L'arrêt commenté s'inscrivit dans son sillage, en relayant avec plus de force encore l'idée, quasiment
neuve à l'époque (quelques accomodements avaient été, tout au plus, admis au nom de l'urgence), selon laquelle la
résolution pour inexécution n'aurait pas à être nécessairement prononcée en justice. La Cour de cassation rompait, ce
faisant, avec la vieille tradition du code de 1804. Le fait que la censure fut en l'espèce prononcée sous le visa de
l'ancien article 1184 n'en est que plus piquant : c'était bien évidemment faute de mieux que le texte était utilisé,
puisque celui-ci indiquait au contraire que la résolution d'un contrat, pour cause d'inexécution, ne pouvait qu'être
judiciaire.
Au-delà de l'affirmation du principe de résolution extra-judiciaire, la Cour de cassation posait aussi ses conditions. Un
jeu de comparaisons montre à quel point les rédacteurs de l'ordonnance du 10 février 2016 s'en sont inspirés :
- « la gravité d'un comportement d'une partie à un contrat... » : la formule est exigeante, et c'est normal : il n'est pas
anodin de donner, à une partie seule, le pouvoir de vie et de mort sur un contrat qui a été fait à deux ! Le nouvel
article 1224 parle, lui, d'une « inexécution suffisamment grave », ce qui est le seuil de gravité commun à tous les cas
de résolution. Faut-il y déceler un changement ? Certains se demandent si l'« inexécution » ne renverrait pas à
quelque chose de plus étroit que le « comportement » (Stoffel-Munck, étude RDC hors-série 2018, p. 52). D'autres
considèrent que le législateur n'a, à aucun moment, entendu limiter le champ des manquements dont le créancier
pourrait se prévaloir (Fages, op. cit., nº 304) ;
- « peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale... » : la Cour n'utilise pas le mot « résolution », peutêtre par égard envers les anciens textes. L'article 1226 n'est pas aussi frileux : on est sûr, désormais, qu'il s'agit bien
d'un cas de résolution. Mais sa principale valeur ajoutée est ailleurs. Là où la Cour avait gardé le silence, le Code
civil détaille les modalités de la rupture : mise en demeure du débiteur, d'abord ; notification de la résolution et des
raisons qui la motivent, ensuite ;

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