Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 10e - 157

L'ESSENTIEL

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DES

GRANDS

ARRÊTS DU DROIT DES OBLIGATIONS

7 Cass. crim., 25 septembre 2012, nº 10-82938
(...) la cour d'appel a justifié l'allocation des indemnités propres à réparer le préjudice écologique, consistant en l'atteinte
directe ou indirecte portée à l'environnement et découlant de l'infraction ; (cassation partielle)

■ Faits
Le navire-citerne Erika, battant pavillon maltais, sombre en 1999 au large de la Bretagne, entraînant une pollution de
l'océan et de plusieurs centaines de kilomètres de côtes. Le tribunal correctionnel, puis la Cour d'appel de Paris,
condamnent pénalement Total en tant qu'affréteur, ainsi que l'armateur, le gestionnaire et la société de certification.
Sur l'action civile, les juges estiment que le droit commun de la responsabilité civile trouve à s'appliquer et qu'à ce
titre, plusieurs collectivités territoriales et associations peuvent notamment obtenir réparation du préjudice résultant de
l'atteinte à l'environnement. La cour d'appel considère cependant que Total doit bénéficier d'une immunité en application d'une convention internationale. Plusieurs moyens sont alors dirigés contre l'arrêt. L'un d'eux, qui ne retiendra pas
l'attention ici, conteste l'immunité de Total ; l'arrêt est cassé de ce chef. Un autre conteste l'évaluation du préjudice, et
notamment l'excès de l'indemnisation accordée.

■ Portée
L'arrêt Erika est un « grand arrêt » à plusieurs titres : d'abord, en raison de son retentissement médiatique exceptionnel, qui est évidemment lié à l'ampleur de la catastrophe occasionnée ; ensuite, en raison de la longueur hors
normes de la décision rapportée (plus de 300 pages !) ; enfin, et surtout, en tant qu'il a joué un rôle précurseur. La
Cour de cassation y reconnaît en effet, pour la première fois, l'existence du préjudice écologique, un préjudice qui a
été, depuis lors, consacré par le Code civil.
Il ne faut pas s'arrêter à la définition d'un tel préjudice, très sommaire, qui est ici livrée par la Cour (« atteinte directe
ou indirecte portée à l'environnement »), et qui est naturellement moins complète que la définition légale issue de la
loi du 8 août 2016 relative à la biodiversité (C. civ., art. 1247 : « atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions
des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement »). Il faut surtout retenir que les
juges font « œuvre créatrice » (Neyret, étude D. 2017, p. 924), en acceptant de dépasser la condition traditionnelle
d'un préjudice causé personnellement à la victime : ici, il n'y a pas d'« autrui », comme l'exige l'article 1240 du Code
civil ; il n'y a qu'un préjudice causé à la nature, un « vivant non humain » (ibid.). C'est autre chose que la jurisprudence
qui reconnaît parfois qu'un préjudice moral puisse découler de l'atteinte à l'intérêt collectif qu'une association a pour
objet de défendre : si cet « intérêt collectif » peut être bien sûr l'environnement, il faut cependant comprendre que le
préjudice réparé est bien celui d'une personne (l'association de défense). C'est autre chose, aussi, que le régime mis
en place par la loi du 1er août 2008 qui a assuré, en droit interne, la transposition de la directive européenne du
21 avril 2004 relative à la responsabilité environnementale : il ne s'agit, en effet, que d'un régime de police administrative, et non d'un authentique régime de responsabilité civile.
Au-delà de cette avancée, tous les commentateurs ont néanmoins souligné les incertitudes que la jurisprudence Erika
était en passe de créer (Parance, note Gaz. Pal. 25 oct. 2012, p. 8 ; Jourdain, obs. RTD civ. 2013, p. 123). La loi les a
dissipées, mais pour partie seulement.
En premier lieu, quel sens donner à la possibilité d'une réparation en argent, alors surtout que le principe de non-affectation des dommages-intérêts laisse le demandeur libre d'en user comme il le veut ? Seule la loi pouvait y remédier, ce
qui a été fait : la réparation du préjudice écologique « s'effectue par priorité en nature » (C. civ., art. 1249, al. 1er) et, si
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