Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 10e - 31

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU DROIT DES OBLIGATIONS

2 Cass. soc., 24 mars 1958
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu qu'en vertu de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que s'il
appartient aux juges d'interpréter les conventions, c'est à la condition de n'en pas dénaturer les clauses claires et précises ;
(...)
Attendu qu'en décidant que les lettres susvisées contenaient un engagement ferme de la part de la Régie de réintégrer
Marchal, et ce dès le premier poste vacant, le jugement attaqué a dénaturé le sens et la portée de leurs clauses claires et
précises selon lesquelles la Régie, désireuse de donner satisfaction à la demande de Marchal, examinerait, selon la prospérité et l'évolution de la situation de l'entreprise, la possibilité de le réintégrer, ce qui ne constituait qu'un accord de principe ; (cassation)

■ Faits
Une personne qui avait été employée par Renault jusqu'en 1940 demanda, après la guerre, sa réintégration par lettre
recommandée. En réponse, la Régie Nationale des Usines Renault lui envoya successivement deux lettres, l'une lui
expliquant qu'il était impossible « de [lui] donner, pour l'instant, une réponse favorable », et l'autre, adressée à un
tiers qui était intervenu en sa faveur, indiquant « que nos intentions à l'égard de M. Marchal n'ont pas changé et que,
dès que la reprise de l'activité automobile le permettra, nous examinerons à nouveau la possibilité de le réintégrer dans
le personnel de la Régie ».
Les juges du fond ayant décidé que ces lettres contenaient un engagement ferme de réintégration, et ce dès le
premier poste vacant, la Régie Nationale des Usines Renault s'est pourvue en cassation.

■ Portée
Si les rédacteurs de l'ordonnance du 10 février 2016 ont évoqué, de façon très opportune, la question des avantcontrats, ils n'ont cependant traité que des deux figures emblématiques que sont le pacte de préférence et la
promesse unilatérale (art. 1123 et 1124). Or ce « focus » législatif ne doit pas être interprété comme une bride contractuelle, qui interdirait aux négociateurs de recourir à d'autres formes d'accords préparatoires, comme ils l'ont toujours
fait. L'accord de principe fait partie de ceux-là. C'est donc naturellement à la jurisprudence qu'il faut encore aujourd'hui se reporter pour en découvrir les principaux ressorts.
L'arrêt rapporté, commenté en son temps par Carbonnier (JCP 1958, II, 10868), est intéressant en ce qu'il livre une
définition, essentiellement négative, de l'accord de principe « découvert » entre le constructeur automobile et son
ancien salarié : c'est un accord qui ne contient pas l'engagement ferme de conclure le contrat définitif projeté.
Comment peut-on savoir ? En interprétant l'acte, pour autant que ses termes s'y prêtent. Car il est des accords clairs
et précis qui n'appellent aucune interprétation, comme c'était le cas en l'espèce. La formule utilisée (« dès que la
reprise de l'activité automobile le permettra, nous examinerons à nouveau la possibilité de le réintégrer dans le
personnel ») ne laissait planer aucun doute quant aux intentions de Renault : le constructeur n'avait pas promis de
conclure.
En revanche, la Cour ne donne aucune définition positive de l'accord de principe. Que peut-il être, s'il n'est pas un
accord définitif ? Sans doute un « accord abstrait sur le principe du contrat, envisagé indépendamment des modalités »
(Deshayes, LEDC 2012, nº 3, p. 4). Mais encore ? Entérinant les solutions dégagées par la jurisprudence contemporaine,
l'avant-projet Catala avait précisé qu'en vertu d'un tel accord, les parties « [s'engagent] à négocier ultérieurement un

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