Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 10e - 37

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU DROIT DES OBLIGATIONS

5 Cass. 1re civ., 3 mai 2000, nº 98-11381
Vu l'article 1116 du Code civil ;
(...), l'arrêt attaqué, après avoir relevé qu'avant de conclure avec Mme Boucher les ventes de 1989, M. Clin avait déjà vendu
des photographies de Baldus qu'il avait achetées aux enchères publiques à des prix sans rapport avec leur prix d'achat,
retient qu'il savait donc qu'en achetant de nouvelles photographies au prix de 1 000 francs l'unité, il contractait à un prix
dérisoire par rapport à la valeur des clichés sur le marché de l'art, manquant ainsi à l'obligation de contracter de bonne
foi qui pèse sur tout contractant (...) ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune obligation d'information ne pesait sur l'acheteur, la cour d'appel a violé le
texte susvisé ; (cassation)

■ Faits
Mme Boucher vend à M. Clin, lors d'enchères publiques, cinquante photographies de Baldus au prix de 1 000 francs
chacune. Trois ans plus tard, la venderesse retrouve l'acquéreur et lui vend au même prix quatre-vingt-cinq nouvelles
photographies, alors que celui-ci a déjà revendu les premières à un prix sans rapport avec leur prix d'achat. Ayant finalement appris que Baldus était un photographe de très grande notoriété, Mme Boucher assigne son acheteur en nullité
des ventes pour dol. La cour d'appel ayant condamné M. Clin, celui-ci se pourvoit en cassation.

■ Portée
L'arrêt Baldus est un très grand arrêt qui retentit encore dans le Code civil rénové. Il posait la question suivante :
l'acquéreur doit-il informer son vendeur de la valeur exacte du bien qu'il souhaite lui acheter ? En cassant sèchement
l'arrêt d'appel qui avait cru pouvoir ainsi sanctionner l'acquéreur qui s'était tu, la première chambre civile a répondu
par la négative.
L'arrêt montre, d'abord, que l'obligation d'information précontractuelle était déjà connue sous l'empire du droit
ancien. Elle pouvait être comprise comme une expression de la bonne foi en période précontractuelle, et découlait
souvent en pratique de la reconnaissance d'une forme de dol particulière : la réticence dolosive. On remarque d'ailleurs
qu'en l'espèce, la censure est prononcée sur le fondement de l'ancien article 1116 du Code civil consacré au dol.
L'arrêt exprime, ensuite, une raideur inhabituelle de la jurisprudence, puisqu'il fait partie des rares décisions qui ont
accepté de poser des limites générales à l'obligation d'information. Ici, la Cour considère que l'acquéreur conserve le
droit de garder le silence sur la valeur réelle de la chose qui lui a été vendue. Du côté du vendeur, la solution peut
sembler sévère car les circonstances (son incompétence, une première série de ventes aux enchères réalisées au même
prix) pouvaient légitimement excuser son manque de curiosité.
L'arrêt, enfin, revêt une portée qui doit être comprise, et qui permet d'en relativiser la teneur. D'une part, l'acquéreur
n'est pas dispensé de toute obligation d'information : c'est l'information sur le prix qui est seule concernée, en lien
avec cette idée simple qu'il faut laisser aux opérateurs le droit de réaliser de bonnes affaires (Mestre et Fages, obs.
RTD civ. 2000, p. 566). D'autre part, la solution ne profite qu'à l'acquéreur, et non à n'importe quel contractant. C'est
dire que, selon la jurisprudence Baldus, le devoir d'information n'est pas anesthésié dans tous les contrats, et spécialement dans ceux qui impliquent, à la différence de la vente, une véritable confiance entre les parties.
Reste à replacer l'arrêt dans le contexte renouvelé de la réforme.
On sait que les rédacteurs de l'ordonnance du 10 février 2016 n'ont jamais souhaité modifier l'état du droit sur cette
question (Chénedé, étude AJ Contrat 2018, p. 25). Le problème est toutefois venu de la confrontation de deux séries

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