Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 10e - 43

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU DROIT DES OBLIGATIONS

8 Cass. civ., 25 mai 1870
Vu les articles 1101 et 1108 du Code Napoléon,
Attendu, en droit, que le silence de celui que l'on prétend obligé ne peut suffire, en l'absence de toute autre circonstance,
pour faire preuve contre lui de l'obligation alléguée ;
Attendu qu'en jugeant le contraire, l'arrêt attaqué a violé les dispositions ci-dessus visées du Code Napoléon ; (cassation)

■ Faits
L'établissement Robin et compagnie, chargé du placement des actions de la Société des raffineries nantaises, avait
donné avis à une personne qu'elle avait été portée sur la liste des souscripteurs et qu'il avait, par conséquent, versé
pour elle la somme exigée pour le premier versement sur le montant des actions. Alors que la lettre était restée sans
réponse, la Société des raffineries nantaises assigna le client de la banque en paiement des versements non encore
réalisés. Celui-ci fut condamné par la cour d'appel qui considéra qu'il était obligé par la souscription des vingt actions
prises en son nom dans la Société des raffineries nantaises. Cette personne se pourvut en cassation.

■ Portée
En énonçant que « le silence ne vaut pas acceptation », le nouvel article 1120 du Code civil n'innove en rien. Il reprend
à son compte une solution acquise de longue date, comme permet de le voir l'arrêt rapporté (rendu sous le visa du
« Code Napoléon », le temps passe !).
Le bon sens commun (« qui ne dit mot consent ») n'est donc pas le bon sens juridique (« qui ne dit mot ne consent
pas »). C'est ce qu'explique en l'espèce la Cour de cassation aux juges du fond, qui avaient au contraire considéré
que le silence, gardé par le client à la suite de l'envoi du courrier de la banque, marquait l'acceptation de ce dernier.
Pourquoi le silence de celui que l'on prétend obligé ne peut-il suffire ? C'est parce qu'il est par nature ambigu, et que
la sécurité juridique commande de ne lui accorder aucune portée (Fabre-Magnan, op. cit., nº 276).
Encore faut-il cantonner la solution à la seule hypothèse qu'elle vise. Du « vrai » silence où la personne adopte une
attitude purement passive, il convient de distinguer, en toute rigueur, la situation où le destinataire de l'offre manifeste
silencieusement son intention d'accepter le contrat. L'acceptation n'ayant pas à être exprimée de façon expresse, celleci peut aussi être tacite, et donc résulter d'un simple comportement.
Mais la vraie difficulté est ailleurs, dans ce que suggère, après l'énoncé du principe, l'incise « en l'absence de toute
autre circonstance ». On a longtemps réduit cette exception des silences circonstanciés à une poignée d'hypothèses identifiées par la doctrine : usages de la profession, relations d'affaires antérieures entre les parties, offre dans
l'intérêt exclusif du destinataire. Un arrêt remarqué de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le
24 mai 2005 rappellera toutefois que le champ des exceptions est bien ouvert, en précisant que le principe peut être
écarté toutes les fois où « les circonstances permettent de donner (au) silence la signification d'une acceptation ».
Cette évolution éclaire la formule qu'utilise aujourd'hui l'article 1120 du Code civil : si le silence ne vaut pas acceptation, il peut en résulter autrement « de la loi, des usages, des relations d'affaires ou de circonstances particulières ».
Comme l'observent justement certains auteurs (Deshayes, Genicon et Laithier, op. cit., p. 129), cette codification n'est,
en réalité, pas très heureuse : non seulement l'exception finale couvre celles qui la précèdent, mais elle ne renseigne en
outre en rien sur la teneur des exceptions à découvrir. Selon ces mêmes auteurs, un fil directeur pourrait être
néanmoins trouvé dans cette idée qu'il est des cas dans lesquels « le contexte (...) conduit à considérer qu'il est plus

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