Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 10e - 79

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU DROIT DES OBLIGATIONS

8 Cass. 1re civ., 3 juillet 1996, nº 94-14800
Mais attendu qu'ayant relevé que, s'agissant de la location de cassettes vidéo pour l'exploitation d'un commerce, l'exécution du contrat selon l'économie voulue par les parties était impossible, la cour d'appel en a exactement déduit que le
contrat était dépourvu de cause, dès lors qu'était ainsi constaté le défaut de toute contrepartie réelle à l'obligation de
payer le prix de location des cassettes, souscrite par M. et Mme Y dans le cadre de la convention de création d'un "point
club vidéo" ; (rejet)

■ Faits
Un couple qui désirait exploiter un vidéo-club dans un petit village avait conclu, avec une société DPM, un contrat de
création d'un « point club vidéo » et de location de cassettes. Ce contrat fut annulé par les juges du fond pour défaut
de cause, en retenant que la cause était le mobile déterminant de l'engagement des époux et que la diffusion des
cassettes auprès de la clientèle, qui constituait cette cause, était vouée à l'échec dans une agglomération de 1314
habitants. La société DPM se pourvut alors en cassation.

■ Portée
L'arrêt Point club vidéo fait partie de ces décisions un peu trop audacieuses qui ont, sans doute, précipité la disparition
de la cause dans les nouveaux textes du Code civil (Chantepie et Latina, op. cit., nº 320). Il appartient, en effet, à ce
courant de jurisprudence qui avait, il y a quelques années, dynamisé la notion de cause afin que celle-ci permette un
contrôle de l'utilité du contrat.
L'arrêt déroulait, en bref, l'idée suivante : les cassettes étaient louées pour l'exploitation d'un commerce, mais leur
diffusion était vouée à l'échec dans un village de 1314 habitants, si bien que « l'exécution du contrat selon l'économie
voulue par les parties était impossible », ce dont il fallait déduire que l'obligation de payer le prix de la location était
« dépourvue de toute contrepartie réelle », et donc de cause.
On voit l'originalité de la solution : les juges ne s'attachent pas à la cause contrepartie, objective, qui existait bien (des
cassettes avaient été remises en échange du prix payé), mais à la cause intérêt, plus subjective, qui n'existait pas à
l'aune de l'économie particulière du contrat. On en perçoit aussi les excès. D'un point de vue pratique, la solution annihile tout risque entrepreneurial (Terré, Simler et Lequette, op. cit., nº 342). D'un point de vue théorique, elle soumet le
contrat à un contrôle judiciaire de l'opportunité, en phase avec l'exigence de justice contractuelle, mais au détriment
de l'exigence de sécurité contractuelle (Genicon, obs. RDC 2013, p. 1321). La chambre commerciale de la Cour de
cassation décidera d'ailleurs, quelques années plus tard, de prendre le parfait contre-pied de la première chambe civile
pour affirmer, dans des circonstances similaires, que « la cause de l'obligation d'une partie à un contrat
synallagmatique réside dans l'obligation contractée par l'autre » (Cass. com., 9 juin 2009).
La réforme du droit des contrats a-t-elle définitivement enterré cette jurisprudence Point club vidéo ? Les avis sont
partagés. Certains estiment que la notion d'économie du contrat pourrait être avantageusement relayée par la nouvelle
contrepartie, qui est désormais cause de nullité selon l'article 1169 du Code civil (Fabre-Magnan, op. cit., nº 402 et s. ;

Table des matières de la publication Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 10e