Exos LMD - Note de synthèse - 1re - 91

THÈME 3 - Le préjudice d'angoisse

B. - L'impossible recours à la perte de chance d'une vie non abrégée
5. - Malgré une telle fiction, le recours à la perte de chance doit être écarté à deux
égards. En premier lieu, le dommage de ne pas pouvoir vivre plus longtemps par la
faute d'un autre apparaît trop incertain pour que la Haute Cour admette qu'il s'agisse
d'un préjudice juridiquement réparable. Comment savoir en effet si la victime aurait véritablement vécu plus longtemps ? La certitude totale d'une chance de vie plus longue
n'existe pour personne dès lors que la mort est susceptible de survenir à n'importe quel
moment. À cela, il pourrait cependant être opposé que dans le cadre d'un accident, sans
la faute de son auteur, la victime décédée aurait nécessairement vécu plus longtemps.
Au grief contestant un droit acquis à vivre jusqu'à un âge statistiquement déterminé, il
pourrait ainsi être répondu que « la victime avait au moins une espérance légitime à vivre
plus longtemps que l'accident ne le lui a permis, et cela même si l'âge de la victime
dépasse celui de la durée moyenne de la vie humaine appréciée par référence aux
tables de mortalité ». Cela explique que l'on ait tenté de recourir à la notion de perte
de chance. Celle-ci permet notamment de prendre en compte le caractère aléatoire de
la chance perdue. La perte de chance sert en effet à indemniser des victimes vivantes
dans des cas où leur préjudice est incertain. L'idée est que, sans l'accident, la victime
aurait peut-être survécu mais elle serait peut être également décédée d'une autre
cause. La probabilité de sa réalisation constitue néanmoins une condition de la réparation. C'est ce degré de probabilité exigé qui permet d'assurer le caractère certain du chef
de préjudice et de le distinguer de la simple supposition au caractère purement aléatoire. Selon la formule utilisée pour s'assurer que la chance réparée est bien probable,
celle-ci doit, en principe, être réelle et sérieuse pour être indemnisée ; « seule constitue
une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ». Dans cette mesure, cela renvoie à la perte de chance de survie consacrée dans le
domaine médical. Les tribunaux de l'ordre judiciaire et administratif indemnisent la perte
de chance de guérison lorsqu'elle est due à une erreur médicale depuis les années 1960.
À titre d'exemple, le 13 mars 2007, la victime d'une erreur médicale qui est décédée à la
suite d'une faute médicale sans laquelle elle aurait eu une chance de survie, s'est vu
allouer 110 000 euros au titre d'un préjudice de « perte de chance de survie » par le
tribunal de grande instance de Bordeaux, ce qui a été confirmé plus tard par la Cour de
cassation. Plus récemment, dans un arrêt daté du 14 octobre 2010, un médecin a tardé
à hospitaliser une patiente atteinte de la grippe. En l'occurrence, la chance de survie
était tout à fait incertaine dès lors qu'il n'était pas démontré que la personne aurait pu
survivre si elle avait été prise en charge plus tôt mais la Cour de cassation a considéré
que « la perte de chance présente un caractère direct et certain à chaque fois qu'est
constatée la disparition de la possibilité d'un événement favorable » consacrant « la
perte d'une chance de survie pour cette dernière ».
6. - L'analogie trouve ici rapidement sa limite. Dans chacun de ces cas, une incertitude
existait quant à la survie de la personne, même en l'absence de faute médicale. La
réparation de la perte de chance sert alors à pallier l'incertitude sur le lien de causalité
entre le fait dommageable et le dommage final. Or, dans l'hypothèse d'une personne
décédée des suites de ses blessures après un accident, aucune incertitude n'apparaît
quant à ce lien de causalité : sans le fait dommageable, la victime serait toujours en vie.
L'auteur de l'accident est directement à l'origine du décès ; il ne lui a pas fait perdre une
chance de vivre mais a bel et bien directement entraîné sa mort. Le lien causal entre le
fait dommageable et le dommage mortel final est certain car on peut difficilement

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