Amphi LMD - Cours de droit des biens - 1re - 193

il est reproché aux juges du fond d'avoir « méconnu [la volonté des parties] de
constituer un droit réel au profit de la fondation ». Or, les juges du fond avaient
bien reconnu l'existence d'un « droit réel » au profit de la fondation. Simplement,
il s'agissait pour eux d'un droit d'usage ou d'habitation, tandis qu'il s'agissait,
pour la Cour de cassation, d'un droit différent.
De plus, avec cette décision, la question restait posée de savoir si la cassation
intervenue avait seulement trait à la qualification du droit ou s'il fallait également
comprendre que sa durée devait être différente de celle retenue par les
juges du fond (sur la difficulté, v. infra, nº 347).
De manière plus générale, la différence entre le droit ainsi reconnu et les droits
réels nommés (usufruit et droit d'usage ou d'habitation) posait difficulté. Quelle
est la jouissance « spéciale » qui se trouvait ainsi consacrée ? De fait, la plupart
des auteurs considèrent aujourd'hui que le droit dont la spécificité a été reconnue
dans cette affaire n'offrait pas de véritable jouissance spéciale sur le bien,
mais une jouissance plus générale, qui en faisait plutôt un usufruit ou un droit
d'usage et d'habitation.
344 - Perspectives. En reconnaissant l'existence d'un droit réel non
prévu par les textes, la Cour de cassation inscrit le droit des biens dans
une logique de libre création de droits réels innommés (v. supra,nos
137
et s.). S'agissant du droit de jouissance spéciale, l'innovation permet aux
individus de créer des droits très spécifiques sur une chose. On a ainsi
évoqué en doctrine, notamment :
- la possibilité des droits de chasse ou de pêche ;
- un droit de jouissance partielle et particulière d'une propriété immobilière,
par exemple à temps partagé ;
- un droit de percevoir, un mois sur deux, les fruits d'un droit personnel à
échéance périodique ;
- un droit d'usage de certaines utilités seulement d'une marque ;
- une concession du droit d'employer un signe distinctif pour la commercialisation
de produits à partir d'un emplacement ou dans une région
donnée ;
- un droit d'exploiter une antenne-relais ;
- un droit de construire ;
- un droit de modifier ;
- un droit d'affouiller ;
- un droit de couper ;
- un droit d'accéder à un réseau (numérique, par exemple)...
De fait, la jurisprudence antérieure avait déjà reconnu de nombreux droits
accordés ne rentrant pas dans les qualifications du Code :
- droit d'installation d'un transformateur électrique (Cass. 3e
nº 10-21788, qui juge que ce droit n'est pas une servitude) ;
- droit de jouissance privatif sur des parties communes d'une copropriété
(Cass. 3e
civ., 13 juin 2012,
civ., 24 oct. 2007, nº 06-19260, qui juge que ce droit « est un droit réel
et perpétuel ») ;
- droit d'exploiter un stand de tir (Cass. req., 7 mai 1930 : S. 1930, I, 263, qui juge
que ce droit n'est pas un usufruit) ;
Chapitre 6 - Lesdroitsde jouissance
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