Amphi LMD - Cours de droit des biens - 1re - 201

354 - Propriétaire tenu ès qualités. L'image de l'immeuble doit la servitude
est commode. Mais comme cet immeuble servant sera un immeuble
approprié, c'est bien évidemment la personne de son propriétaire qui, au
premier chef, subira la charge de servitude. Si le propriétaire d'une chose
grevée d'usufruit doit subir le droit de l'usufruitier (v. supra, nº 315), le
propriétaire d'un fonds servant va de la même façon devoir subir la servitude
d'autrui. Ce propriétaire se retrouve en effet limité dans son exclusivité
: le titulaire de la servitude (un autre propriétaire) bénéficie d'une utilité
qui relevait de la propriété. Toutefois, cette personne est concernée ès
qualités de propriétaire : elle subit l'altération de ses droits (v. C. civ.,
art. 701) en raison de la charge qui pèse sur sa propriété du fait de sa
seule qualité de propriétaire de l'immeuble « servant ». Dès lors, si elle
abandonne l'immeuble (lorsqu'elle le peut), elle abandonnera derechef la
charge de servitude (v. C. civ., art. 699, qui évoque l'abandon au profit du
propriétaire du fonds dominant : v. infra, nº 386).
C'est ainsi que l'on décrit la situation du propriétaire du fonds servant, subissant
la servitude. Cette dernière, lien réel entre deux immeubles, s'impose directement
sur la chose ; le propriétaire du fonds grevé doit subir cette charge, qui
correspond au droit d'autrui, comme n'importe qui. Mais certains considèrent
plutôt que ce propriétaire serait tenu d'une obligation réelle : c'est la théorie
de Ginossar d'analyser comme des obligations tous les droits réels - la propriété,
dans cette lecture, n'étant pas un droit réel (v. supra,nos
141 et s.).
L'idée d'une obligation réelle est, il est vrai, particulièrement intéressante
pour la servitude, qui relie un immeuble « débiteur » (servant) et un immeuble
« créancier » (dominant) et à travers eux, des propriétaires respectifs. La Cour
de cassation a d'ailleurs parfois parlé d'une obligation de ne pas faire pour le
propriétaire (Cass. 3e
civ., 5 déc. 1972 : Bull. civ. III, nº 658), et le propriétaire du
fonds servant a des obligations, même si elles sont généralement périphériques
(ex. : laisser une clé de la clôture pour laisser s'exercer la servitude de passage).
L'idée d'obligation réelle, bien que non nécessaire pour l'essentiel du
droit de servitude, a un certain intérêt, au moins pour accompagner les obligations
particulières qui accompagnent la servitude.
B Un droit réel pour un autre propriétaire
355 - Fonds dominant. Droit réel. La servitude est, pour celui qui en
bénéficie, un droit réel principal portant sur la chose d'autrui. La définition
de l'article 637 évoque cette idée infine : la charge qui pèse sur l'un est
imposée pour « l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire
». Cet autre héritage est le fonds « dominant » ; son propriétaire
bénéficie alors d'un droit réel sur le fonds servant appartenant à autrui.
Il faut reconnaître que l'analyse ne va pas de soi : dès lors que l'on admet que la
servitude est un lien entre deux immeubles (v. infra, nº 358), la qualification de
droit réel, qui en fait une valeur patrimoniale pour le titulaire du fonds dominant
Chapitre 7 - Les servitudes
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