Amphi LMD - Cours de droit des biens - 1re - 239

B L'acquisition des fruits de la chose
429 - Présentation. Lorsque la prescription acquisitive permet au possesseur
de devenir propriétaire de la chose dans les conditions qui viennent
d'être examinées, il acquiert du même coup le droit aux fruits de
celle-ci (v. supra, nº 416). Dans le cas contraire, les fruits de la chose ne
lui reviennent pas et le possesseur devrait en théorie les restituer au propriétaire
qui aurait revendiqué avec succès la chose frugifère possédée
(sauf à préciser que, pour la Cour de cassation, « le propriétaire ne saurait
prétendre qu'aux fruits qu'aurait produits la chose dans l'état où le possesseur
en a pris possession » : v. Cass. 1re
civ., 20 juin 1967 : Bull. civ. I,
nº 227, qui refuse au propriétaire le droit aux fruits qui résultent de l'industrie
du possesseur). La rigueur d'une telle solution a cependant paru
injuste au législateur, qui a entendu accorder au possesseur, à certaines
conditions, un droit aux fruits de la chose qui auraient dû revenir au propriétaire
(les produits prélevés ne sont pas concernés et doivent être restitués
au propriétaire dans tous les cas).
430 - Conditions. L'acquisition des fruits suppose que l'intéressé ait la
possession « utile » de la chose, c'est-à-dire non viciée (v. supra, nº 397 ;
dans le silence des textes, une partie des auteurs considère cependant
qu'une possession, même viciée, pourrait permettre l'application du
texte), mais également qu'il soit de bonne foi (C. civ., art. 549 : « Le simple
possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne
foi »). Dans le cas contraire, le possesseur doit restituer les fruits (il pourrait
parfois prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article 548 :
v. supra, nº 234). Reste cependant à définir ce qu'est un possesseur de
bonne foi. L'article 550 y contribue en indiquant que « Le possesseur est
de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d'un titre
translatif de propriété dont il ignore les vices. » Ainsi, c'est seulement
parce qu'il dispose d'un « juste titre » (sur la notion, v. supra, nº 411)
dont il ignore les vices (ce qui peut être présumé) que le possesseur peut
conserver les fruits perçus. La bonne foi « à l'état brut », correspondant au
simple fait d'ignorer les droits d'autrui sur la chose, ne suffit pas.
Le juste titre de l'article 550 n'est cependant pas exactement celui de l'article
2272 du Code civil. Ainsi, dans le cas où une personne a cru disposer d'un
titre qui, en réalité, n'existe pas (ex. : un testament lui conférait par legs la propriété,
mais il a été postérieurement révoqué par l'ancien propriétaire), la bonne
foi de l'intéressé peut être considérée comme acquise en vertu de ce titre simplement
putatif (v. par ex. Cass. 3e
civ., 29 nov. 2006, nº 05-19875 ; comp., en
matière d'usucapion, supra, nº 411). Idem lorsque le possesseur possède audelà
de son titre. La croyance dans une étendue plus grande des droits du possesseur
caractérisera sa bonne foi au sens de l'article 550, alors même qu'elle
ne le permet pas au sens de l'article 2272. En la matière, le juste titre est moins
une condition à part au jeu de l'article 549 qu'un élément permettant de
Chapitre 8 - La possession 239

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