Amphi LMD - Cours de droit des biens - 1re - 243

civil : « Dans les contrats ayant pour objet l'aliénation de la propriété ou la
cession d'un autre droit, le transfert s'opère lors de la conclusion du
contrat. » Il s'agit d'un principe isolé en Europe, mais qui gouverne sans
trop de dommages le droit français des contrats depuis 1804.
Le transfert de propriété solo consensu a une histoire. Le droit français distinguait,
comme en droit romain, les obligations de faire, ne pas faire, et donner -
cette dernière étant l'obligation de dare du droit romain, celle en vertu de
laquelle le débiteur devait transférer la propriété (v. infra, nº 439). Autrefois,
cette obligation supposait, pour être exécutée, un acte d'exécution particulier ;
cet acte était en général la « tradition », soit la remise de la chose (ou des clés
pour un immeuble) avec la manifestation de volonté d'en abandonner la possession
à l'acquéreur : avant cet acte, la propriété ou le droit en cause n'étaient pas
transférés, le contractant était seulement obligé de procéder au transfert, et
donc à la tradition. Avec le temps, sous l'Ancien Droit, il était devenu d'usage
de stipuler des clauses prévoyant que celui qui s'était engagé à donner et n'avait
pas encore délivré la chose tenait la chose dès l'instant du contrat pour le
compte de l'acquéreur, de sorte que la tradition était fictivement faite. Le Code
civil a pris acte de cette pratique généralisée et en a fait le principe : l'obligation
de transférer la propriété ou un autre droit s'exécutait donc en même temps
qu'elle était créée : « parfaite par le seul consentement des parties contractantes
», « elle rend le créancier propriétaire [...] dès l'instant où elle a dû être
livrée, encore que la tradition n'en ait point été faite [...] » (C. civ., art. 1138
ancien). L'ordonnance de réforme du droit des obligations va encore plus loin
en occultant le vocabulaire de l'obligation de donner (v. infra, nº 439).
438 - Exceptions au transfert immédiat. Le deuxième alinéa de l'article
1196 ajoute que « Ce transfert peut être différé par la volonté des parties,
la nature des choses ou par l'effet de la loi. » S'agissant de la volonté, il
s'agit, pour les parties, de retarder le transfert de propriété en le subordonnant
à l'accomplissement d'une formalité (par ex. la réitération de la vente
immobilière par acte notarié). Elles peuvent aussi prévoir que le transfert
de propriété n'interviendra qu'au complet paiement du prix, la propriété
étant ainsi réservée à titre de garantie (C. civ., art. 2367 et s. et art. 2373,
al. 2). La limite au transfert consensuel de propriété peut également
résulter :
- de la nature des choses ; le transfert ne peut en effet avoir lieu dès la
conclusion du contrat lorsqu'à cet instant, la chose à transférer n'existe
pas encore ou n'est pas suffisamment désignée (cas du transfert d'une
chose future ; v. par ex. Cass. 3e
civ., 22 sept. 2010, nº 09-15781) ;
- du transfert d'une certaine quantité de choses fongibles, qui ne peut
intervenir que si les choses désignées au contrat ont été circonscrites
(art. 1585 : v. supra, nº 198).
La loi diffère aussi parfois le transfert de propriété. Il en va ainsi dans la
vente à terme (une espèce de vente d'immeuble à construire), où le transfert
s'opère de plein droit par la constatation par acte authentique de
Chapitre 9 - L'acquisition et la perte des biens
243
Amphi LMD - Cours de droit des biens - 1re

Table des matières de la publication Amphi LMD - Cours de droit des biens - 1re
