Mémentos - Les institutions judiciaires - 10e - 44

MÉMENTOS - LES INSTITUTIONS JUDICIAIRES

hypothèses que le droit français n'avait pas envisagé (interdiction pour le juge des
référés qui a ordonné le versement d'une provision de statuer ensuite sur le fond de
l'affaire...). La procédure de récusation s'applique également en cas de suspicion légitime de l'ensemble des membres d'un tribunal. L'affaire peut également être renvoyée
devant une autre juridiction par la Cour de cassation pour cause de sûreté publique (on
parle souvent de « délocalisation »). Un renvoi peut ainsi être demandé si une des parties
au procès est juge ou auxiliaire de justice devant la juridiction qui doit statuer (CPC,
art. 47). Une délocalisation d'une procédure collective (sauvegarde, redressement ou
liquidation judiciaires) peut être ordonnée, à la demande du Ministère public, du débiteur ou du créancier poursuivant, si les intérêts en présence le justifient (C. com., art.
L. 662-2 et R. 662-7, par ex. un conflit d'intérêts entre l'un des juges et la société
concernée). En matière pénale, des dispositions particulières règlent les hypothèses de
renvois d'un tribunal à un autre (CPP, art. 662 et s.) et la récusation d'un juge ou
conseiller (CPP, art. 668 et s.) ;

2) L'indépendance du juge
a) L'indépendance par la séparation des pouvoirs
Certes, le titre VIII de la Constitution porte l'intitulé « de l'autorité judiciaire », par opposition au pouvoir législatif et au pouvoir exécutif, mais le droit organise, par un statut
particulier de la magistrature, une double indépendance de l'autorité judiciaire. Le
Recueil des obligations déontologiques des magistrats et la Charte déontologique des
juges administratifs rappellent que l'indépendance est un droit constitutionnel et la
condition première d'un procès équitable. Cette indépendance ne concerne que les
juges du siège, qui rendent les jugements (pour les membres du Parquet, la situation
n'est pas identique, en raison des conditions de leur nomination et de la procédure de
sanction disciplinaire : néanmoins, la loi nº 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du Ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l'action publique a supprimé la possibilité pour le
ministre d'adresser des instructions dans des affaires individuelles, mais lui permet
d'animer et de coordonner l'action des procureurs de la République et d'adresser des
instructions générales et le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions applicables
ménagent un juste équilibre entre l'indépendance des magistrats du parquet et les attributions du gouvernement (déc., 8 déc. 2017, nº 2017-680 QPC).
L'indépendance se mesure par rapport au pouvoir législatif, avec des domaines
d'intervention distincts. Sans doute faut-il nuancer l'indépendance du juge. C'est le
Parlement qui décide du statut du juge (sous le contrôle du Conseil constitutionnel par
des lois organiques), et qui décide des lois que le juge est chargé d'appliquer. De plus,
certaines techniques législatives permettent, ce qui est parfois sanctionné par la Cour
européenne des droits de l'homme, d'influer sur le fonctionnement de la justice : par
exemple, le Parlement peut édicter des lois rétroactives qui modifient l'issue des procès
en cours, ou des lois d'amnistie qui vont empêcher la condamnation judiciaire, ou des
lois de validation qui vont anéantir une annulation prononcée par un juge administratif.
Seuls d'impérieux motifs d'intérêt général peuvent justifier de telles lois. En revanche,
l'interdiction pour le juge de s'immiscer dans la fonction législative est mieux assurée :
l'article 5 du Code civil lui interdit les arrêts de règlement, c'est-à-dire les décisions qui
seraient générales et permanentes comme les lois et l'article 4 du Code civil lui interdit

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