Mémentos - Note de synthèse - 2e - 176

174
MÉMENTOS - NOTE DE SYNTHÈSE
Comment le juge appréhende-t-il le droit souple ? Le juge administratif se saisitil
davantage du droit souple que le juge judiciaire, ou l'inverse ?
L. C. : Il n'y a pas un des deux ordres de juridiction qui se saisit davantage du droit
souple, leur office les conduit à l'examiner sous des angles différents. Le juge administratif
va souvent s'intéresser à la question de la recevabilité d'un recours contentieux
dirigé contre un acte de droit souple, une recommandation d'autorité administrative
indépendante, par exemple. En principe, pour qu'un acte soit considéré comme faisant
grief, il faut qu'il crée des droits ou des obligations. Il y a pourtant un certain nombre de
cas où le Conseil d'État a jugé que le droit souple faisait grief, soit parce qu'il avait une
formulation impérative, soit et c'est le sens de la décision Formindep (CE 27 avr. 2011,
nº 334396 ; AJDA 2011. 1326, concl. C. Landais ; D. 2011. 1287 ; ibid. 2565, obs.
A. Laude ; RDSS 2011. 483, note J. Peigné) parce que le droit souple, en l'espèce une
recommandation de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé, en définissant ce
qu'est l'état de l'art, peut être prise en compte pour apprécier l'obligation déontologique
du médecin.
Le juge judiciaire s'intéresse, lui, au droit souple dans différents domaines. Dans le
secteur de la consommation, des associations de consommateurs peuvent exercer des
recours contre des contrats-types, pour faire retirer des clauses qui seraient abusives.
En matière de droit du travail, la Cour de cassation a annulé un code de bonne conduite
de la société Dassault-Systèmes qui définissait notamment des règles applicables à la
diffusion des informations à usage interne, en imposant des limites trop floues à la
liberté d'expression des salariés (Soc. 8 déc. 2009, nº 08-17.191, D. 2010. 548, obs.
L. Perrin, note I. Desbarats ; Rev. sociétés 2010. 483, étude F. Barrière ; RDT 2010. 171,
obs. R. de Quenaudon).
Quel rôle joue le droit souple au sein de l'Union européenne ?
J. R. : L'Union européenne est un grand émetteur de droit souple. Face à un ensemble
de traités où tout ne peut pas être prévu, le droit souple permet de surmonter les
blocages institutionnels ou tout simplement de faire avancer les domaines dans lesquels
l'Union se déclare compétente : recommandations issues de la « stratégie de Lisbonne »
ou du « semestre européen », méthode ouverte de coordination, lignes directrices pour
l'emploi... Toutes ces avancées se font sur la base d'orientations de droit souple plutôt
que d'actes de droit dur.
L. C. : En préparant le rapport, nous avons constaté qu'àl'échelle de l'Union européenne
tous les acteurs n'ont pas le même point de vue à l'égard du droit souple. Au sein de la
Commission, la direction générale de la concurrence utilise beaucoup le droit souple
parce que, dans le traité, il y a quelques clauses assez courtes sur l'interdiction des
ententes, des aides d'État et la Commission européenne se sert du droit souple sous
forme de lignes directrices pour en dérouler toutes les implications. À l'inverse, le Parlement
européen a un regard beaucoup plus réservé sur le droit souple ; il le voit comme
un moyen de le contourner. Il a adopté en 2007 une résolution critiquant de manière
véhémente le recours aux « instruments juridiques non contraignants ».
Vous formulez 25 propositions qui incitent les administrations à faire un bon
usage du droit souple. Vous encouragez tout particulièrement le recours aux
directives
J. R. : En effet, le Conseil d'État propose une doctrine cohérente de recours et d'emploi
du droit souple destinée aux administrations. Nous encourageons les ministères à

Mémentos - Note de synthèse - 2e

Table des matières de la publication Mémentos - Note de synthèse - 2e