Les Carrés Rouge - L'essentiel du droit constitutionnel -Tome 2. Les institutions de la Ve République - 20e - 102

L'ESSENTIEL

100

*

LA

DU

DROIT

CONSTITUTIONNEL

- LES INSTITUTIONS

DE LA

Ve RÉPUBLIQUE

CONDITION JURIDIQUE DES ORDONNANCES

1 - L'ordonnance a une valeur réglementaire tant qu'elle n'a pas été expressément ou implicitement (avant la LC de juillet 2008) ratifiée par le Parlement. Elle est donc susceptible d'un recours
pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État pendant le délai du recours contentieux (CE,
24 novembre 1961, Fédération nationale des syndicats de police ; CE, 3 novembre 1961, Damiani)
ou d'une procédure en exception d'illégalité (CE, Ass., 3 juillet 1998, Syndicat des médecins de
l'Ain et autres). Voir cependant (p. 99) la décision CC no 843 QPC.
2 - L'ordonnance devient caduque si le projet de loi de ratification n'est pas déposé dans les
délais. Elle cesse de produire ses effets à cette date, tout en demeurant sous le contrôle du juge
administratif.
3 - L'ordonnance cesse d'exister si le projet de loi de ratification est rejeté par le Parlement. La
législation antérieure s'applique à nouveau.
4 - L'ordonnance qui a été expressément ou implicitement (avant la LC de juillet 2008) ratifiée par
le Parlement a une valeur législative.

3) La pratique des ordonnances
Le constituant de 1958 avait conçu les ordonnances comme un procédé exceptionnel de délégation de la compétence législative afin d'éviter la paralysie parlementaire de l'action gouvernementale (rationalisation du régime parlementaire).
En outre, le recours aux ordonnances semble présenter moins d'intérêt que prévu en 1958 ; ainsi,
en période de cohabitation, le président de la République peut refuser de signer les ordonnances,
ce qui oblige le gouvernement à transformer les projets d'ordonnance en projets de loi ; de plus,
quel que soit le contexte politique (cohabitation ou présidentialisme), se dresse l'obstacle du juge
constitutionnel : le Conseil - en cas de saisine - exerce un véritable « contrôle indirect » sur les
ordonnances lors de l'examen de la loi d'habilitation (CC, 25-26 juin 1986, Privatisations) et lors
de l'examen de la loi de ratification (cette dernière ne sera conforme à la Loi fondamentale que
si les ordonnances qu'elle vérifie sont elles-mêmes conformes à la Constitution).
Malgré tout, le recours à cette procédure de l'article 38 C a donné lieu à une véritable banalisation, surtout depuis 2001 avec un nombre exponentiel de lois d'habilitation (29 de 2001 à 2006,
contre 35 de 1960 à 2000) et d'ordonnances (124 édictées de 2001 à 2006, contre 245 de 1960
à 2000, 53 en 2009, 68 en 2015, 89 en 2016, 26 en 2017) ; et même, en 2004, 55 % des textes
intervenus dans le domaine de la loi sont des ordonnances ! Au total, à ce jour, plus de 155 lois
d'habilitation ont autorisé les gouvernements de la Ve République à légiférer par ordonnances, et
plus de 960 ordonnances ont été prises (dont près de 83 % de 2005 à 2020). Adopté sans vote
(v. p. 131) en première lecture par l'Assemblée nationale le 4 mars 2020, le projet de loi ordinaire

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