Hors collection - Quels droits face aux innovations numériques ? - 1re - 163

CHAPITRE 4 - LA

LUTTE CONTRE LE TERRORISME EN LIGNE

163

jurisprudence, il apparaît que la répression du recel d'apologie du terrorisme réprime en fait d'une
certaine manière l'infraction de consultation de sites à caractère terroriste qui n'a pas été retenue en
droit français5. Dans un arrêt du 24 mars 2020, la Cour de cassation a décidé de renvoyer au Conseil
constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit du délit de recel d'apologie du terrorisme6.

§2. La disparition du délit de consultation habituelle de sites Internet
terroristes
303. Loi du 3 juin 2016 - Lors du vote de la loi nº 2016-731 du 3 juin 2016, le législateur avait introduit une infraction de consultation habituelle de sites Internet punie de deux ans d'emprisonnement
et 30 000 euros d'amende.
Le Code pénal sanctionnait jusqu'alors la consultation de sites terroristes mais uniquement en lien
avec un projet terroriste (C. pén., art. 421-2-6). Plusieurs condamnations ont été prononcées sur le
fondement de cet article.
À titre d'exemple, une condamnation a été prononcée sur le fondement de l'article 421-2-5-2 du
Code pénal par le tribunal correctionnel de Chartres le 8 août 2016. La personne a été condamnée
en comparution immédiate à deux ans de prison ferme pour avoir consulté de manière répétée des
sites liés à la commission d'actes terroristes. Le tribunal l'a placé sous mandat de dépôt à l'issue de
l'audience. Les investigations ont montré qu'il avait pris l'habitude de consulter des sites Internet
faisant l'apologie du terrorisme et que l'homme avait laissé entendre sur son mur Facebook qu'il
voulait voir détruite la tour Montparnasse à Paris.
Le délit de consultation habituelle des sites terroristes a fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité et le Conseil constitutionnel dans une décision du 10 février 2017 l'a déclaré inconstitutionnel, estimant que les dispositions contestées n'imposaient pas que « l'auteur de la consultation
habituelle des services de communication ait la volonté de commettre des actes terroristes ni même
la preuve que cette consultation s'accompagne d'une manifestation de l'adhésion à l'idéologie
exprimée sur ces services ».
304. Loi du 28 février 2017 - Ces dispositions ont été réintroduites dans la loi nº 2017-258 du
28 février 2017 en prévoyant de surcroît que « la consultation n'est punissable que lorsqu'elle s'accompagne d'une manifestation de l'adhésion à l'idéologie exprimée sur ce service ». Le Conseil constitutionnel a de nouveau censuré le 15 décembre 2017 l'article 421-2-5-2 du Code pénal en considérant
qu'il portait toujours une atteinte à l'exercice de la liberté de communication qui n'est pas nécessaire,
adaptée et proportionnée.

5.
6.

Lepage A., « Quand le délit d'apologie d'actes de terrorisme croise le recel, sous l'égide de la liberté d'expression »,
Comm. com. électr., nº 3, mars 2020, comm. 26.
Cass. crim., 24 mars 2020, F-D, no 19-86706.

Hors collection - Quels droits face aux innovations numériques ? - 1re

Table des matières de la publication Hors collection - Quels droits face aux innovations numériques ? - 1re