Professions immobilières - Responsabilité des constructeurs - 2e - 29

LE DROIT SPÉCIAL DE LA RESPONSABILITÉ DES CONSTRUCTEURS
Cass. 3e civ., 28 février 2018, n° 17-15962
En l'espèce, le propriétaire d'un terrain y fait édifier un bâtiment à usage industriel
destiné à son activité de garage automobile. Il commande directement du
béton auprès d'un célèbre fournisseur, la société LAFARGE, en vue de la réalisation
d'une dalle d'environ 317 m2
. Le propriétaire se plaint de divers défauts
auprès du fournisseur de béton, lequel réalise, à ses frais, un ponçage mais le
propriétaire n'est toujours pas satisfait. Après expertise judiciaire, il assigne au
fond le fournisseur de béton.
Le Tribunal de grande instance de Toulouse, aux termes d'un jugement du 9 mars
2015, condamne le fournisseur à réparer les divers préjudices allégués par le
propriétaire, dont la reprise des désordres, sur le fondement de l'article 1792 du
Code civil. Le fournisseur de béton interjette appel. La cour d'appel de Toulouse,
dans un arrêt rendu le 23 janvier 2017, confirme le jugement entrepris sur ce
point. Les conseillers ont considéré que « le tribunal en a justement déduit que
la société LAFARGE dont le préposé présent sur les lieux lors du coulage des
deux premières trames, a donné au poseur des instructions techniques précises
(...) auxquelles le maçon s'est conformé, ayant ainsi participé activement à la
construction dont elle a assumé la maîtrise d'œuvre (...) n'était pas seulement
intervenue comme fournisseur du matériau mais avait la qualité de constructeur
au sens de l'article 1792 du Code civil ».
Le fournisseur de béton forme un pourvoi en cassation, composé de deux
moyens dont seul le premier intéresse le présent commentaire. Ce moyen s'articule
en trois branches. Il est, d'abord, exposé que les constructeurs ne sont
tenus à la garantie décennale qu'à condition d'avoir été liés au maître d'ouvrage
par un contrat de louage d'ouvrage, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque
c'est un contrat de vente qui lie les parties. Il est encore exposé que le fournisseur
d'un béton en vue de la réalisation d'une dalle est, en tant que vendeur,
débiteur d'une obligation d'information et de conseil qui ne peut être assimilable
à celle d'un maître d'œuvre. Cet argument est très pertinent. Il est, enfin, allégué
qu'un fabricant ne peut se voir appliquer la responsabilité décennale que
si le matériau qu'il a fourni à l'entrepreneur a la nature d'une partie d'ouvrage
ou d'un élément d'équipement, qualificatifs qui ne seraient pas applicables à du
béton. La Haute juridiction rejette le pourvoi en reprenant exactement la même
formulation que la cour d'appel. Le fournisseur de béton n'est pas seulement
intervenu comme fournisseur de matériau mais en qualité de constructeur au
sens de l'article 1792 du Code civil.
Nul intervenant sur un chantier n'est donc, ab initio, à l'abri d'être redevable, à l'égard du maître
d'ouvrage, du droit spécial de la responsabilité des constructeurs. Partant d'une définition, hyper
large, du constructeur pour en rendre solidairement responsable le fabricant, le Législateur ouvre la
voie aux interprétations extensives par la jurisprudence.
1. Le constructeur
22. Au contraire du maître d'ouvrage, le Législateur a pris le soin de venir définir le constructeur. Il
a choisi de poser une présomption de qualité de constructeur pour toute une série d'intervenants
à l'opération de construire qui dépasse, largement, l'acception courante du terme « constructeur »
qui se confond avec l'entrepreneur. Le but a été clairement d'étendre la liste des débiteurs de la
responsabilité afin que le maître d'ouvrage, victime, trouve vite un responsable payeur susceptible
de réparer son désordre, à charge pour ce responsable de se retourner contre celui ou ceux qu'il
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