Professions immobilières - Responsabilité des constructeurs - 2e - 41

LE DROIT SPÉCIAL DE LA RESPONSABILITÉ DES CONSTRUCTEURS
43. Le dommage futur se distingue ainsi du dommage évolutif, lequel est certes apparu après le
délai décennal mais est la conséquence inéluctable d'un désordre de nature décennale apparu dans
le délai de 10 ans. Cela n'est plus si sûr comme en témoigne l'arrêt rendu par la Cour de cassation
le 4 octobre 201841
et confirmé dans un arrêt du 24 juin 202142
civ., 24 juin 2021, n° 20-12170
d'application des dommages évolutifs se réduise comme une peau de chagrin.
Cass. 3e
En l'espèce, des maîtres d'ouvrage confient à un entrepreneur individuel la
construction de leur maison. Des désordres de fissurations apparaissent après
la réception. Le constructeur et son assureur sont assignés, après expertise,
devant les juges du fond sur le fondement de la responsabilité civile décennale
prévue aux articles 1792 (N° Lexbase : L1920ABQ) et suivants du Code civil.
La cour d'appel de Nîmes, dans un arrêt du 7 novembre 201943
, considère que
le phénomène de fissuration, évolutif et généralisé, constitue un risque ou une
menace quant à la pérennité de l'immeuble, ce qui suffit pour établir que les
désordres présentent de façon certaine le degré de gravité décennale dès lors
que le maître d'ouvrage les a bien dénoncés dans le délai décennal. L'assureur
forme un pourvoi en cassation aux termes duquel il articule, principalement,
qu'il n'est démontré, avec certitude, que le critère de gravité décennal soit
atteint dans le délai éponyme. L'affirmation de l'expert selon laquelle « les désordres
constatés et significatifs d'un problème de sensibilité hydrique des sols,
touchent à la structure de l'ouvrage et pourraient le compromettre, à terme »
serait insuffisante. La Haute juridiction rejette le pourvoi. Le phénomène de
fissuration évolutive généralisée, tant intérieure qu'extérieure, dénoncé par le
maître d'ouvrage pendant le délai décennal, touchait à la structure même de
l'ouvrage. La Cour de cassation confirme bien que le désordre évolutif observe
le même régime que le dommage futur.
44. Il est depuis longtemps admis par la jurisprudence que la responsabilité décennale des
constructeurs s'applique aux conséquences futures, mais de gravité décennale, des désordres de
nature décennale dénoncés dans le délai décennal44
. Toute la qualification réside ainsi dans la
compréhension du terme « conséquence », qui a fait l'objet d'interprétations divergentes mais
que la Cour de cassation apprécie de plus en plus strictement. Même s'il s'agit d'une question de
fait laissée à la libre appréciation des juges du fond, la Cour de cassation a posé des critères pour
caractériser si le désordre survenu après l'expiration du délai décennal est bien l'aggravation d'un
désordre originaire et non pas un désordre nouveau sans lien avec le précédent. Dans un premier
temps, pour être pris en compte, les désordres nouveaux devaient être l'aggravation ou la suite
des désordres initiaux45
. Puis, dans un deuxième temps, elle a estimé que le désordre évolutif
est celui qui, né après l'expiration du délai décennal, trouve son siège (terme qui ne signifie pas
grand-chose) dans l'ouvrage où un désordre de même nature a été constaté présentant le caractère
de gravité requis par l'article 1792 du Code civil46
. Il s'agissait dans cette espèce de corbeaux
d'un bâtiment à usage de parking. Certains ont subi des désordres pendant la période décennale
et d'autres se sont révélés postérieurement. La Cour de cassation a considéré qu'il s'agissait de
41 Cass. 3e civ., 4 oct. 2018, n° 17-23190.
42 Cass. 3e civ., 24 juin 2021, n° 20-12170 ; J. Mel, « Le dommage évolutif et généralisé, doit revêtir le critère
de gravité décennale dans le délai décennal », Lexbase hebdo, éd. privée n°871 du 1er
juillet 2021.
43 CA Nîmes, 7 nov. 2019, n° 18/01442 : n° Lexbase : A1966ZUD.
44 Cass. 3e
civ., 3 déc. 1985, n° 84-13375.
45 Cass. 3e civ., 11 mai 2000, n° 98-17179.
46 Cass. 3e civ., 18 janv. 2006, n° 04-17400.
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. Il semble ainsi que le champ

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