Professions immobilières - Responsabilité des constructeurs - 2e - 43

LE DROIT SPÉCIAL DE LA RESPONSABILITÉ DES CONSTRUCTEURS
A. L'OBJET DES DOMMAGES
46. Le Lecteur, coutumier des summa divisio binaires, va rester dans sa zone de confort. Le
dommage réparable sur le fondement du droit spécial de la responsabilité des constructeurs peut
affecter un ouvrage ou un élément d'équipement. La typologie surprend même si elle paraît plus
précise que la distinction antérieure à la loi de 1978 gros/menus ouvrages (quoique). Pourquoi ne
pas avoir visé les constructions ou les bâtiments ou les travaux ? Beaucoup ont trouvé des éléments
de réponse mais aucune ne convainc profondément.
47. D'un côté, parce que les notions d'ouvrage et d'éléments d'équipement ne sont pas légalement
définies, laissant aux juges du fond le pouvoir d'interpréter ces notions, ce qui peut aboutir à des
situations cocasses dans lesquelles une construction peut tour à tour être qualifiée d'ouvrage et
d'élément d'équipement. Il n'y a finalement rien de systématique, cela dépend de la nature de la
construction. Même si, à l'heure de la justice prédictive, cette absence de systématisation peut
éventuellement séduire, elle reste assez déceptive pour le Lecteur qui, s'il est juriste, aime la sécurité
de pouvoir encadrer au maximum les risques de requalification. La zone de confort devient
inconfortable.
Cass. 3e civ., 13 févr. 2020, n° 19-1024949
Un enduit de façade est-il un ouvrage ou un élément d'équipement ?
Pourquoi un enduit serait-il susceptible d'être qualifié d'élément d'équipement
? A se rappeler les jurisprudences relatives au carrelage50
ou, mieux (ou
pire selon) les jurisprudences rendues depuis juin 2017 sur les éléments d'équipement
sur existants51
, il devient pourtant compréhensible que les juges du fond
peinent à trouver un véritable critère de rattachement à chacune de ces notions.
L'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation ce 13 février
2020 vient rappeler des principes simples qui méritaient manifestement
d'être confirmés.
Dans cette espèce, un particulier confie à un auto-entrepreneur la réalisation
de travaux d'enduit de façades. Des fissures sont apparues. Le maître d'ouvrage
assigne, après une expertise judiciaire, le constructeur et son assureur de responsabilité
civile décennale au fond en réparation des désordres.
Dans un arrêt rendu le 5 novembre 2018, la cour d'appel de Toulouse a condamné
l'assureur de responsabilité civile décennale in solidum avec son assuré à réparer
les désordres52
Les conseillers ont considéré que l'enduit constituait un
élément d'équipement dès lors que sa composition lui conférait un rôle d'imperméabilisation,
lequel rendait l'ouvrage existant impropre à sa destination.
Aussi, en application de l'article 1792 du Code civil, peu importe que l'élément
d'équipement soit dissociable ou non, la responsabilité décennale s'applique dès
lors que l'ouvrage lui-même est impropre à sa destination, ce qui était le cas
compte-tenu des fissures affectant la façade.
La cassation était prévisible.
49 J. Mel, « Un enduit de façade est-il un ouvrage ou un élément d'équipement ? », Lexabse, Le Quotidien du
21 février 2020.
50 Cass. 3e
civ., 11 sept. 2013, n° 12-19483.
51 V. notamment, Cass. 3e civ., 15 juin 2017, n° 16-19640 ; Cass. 3e
Cass. 3e civ., 26 oct. 2017, n° 16-18120.
52 CA Toulouse, 5 nov. 2018, n° 16/02296.
41
civ., 14 sept. 2017, n° 16-17323 ;
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