Professions immobilières - Responsabilité des constructeurs - 2e - 51

LE DROIT SPÉCIAL DE LA RESPONSABILITÉ DES CONSTRUCTEURS
ou simplement installés sur site ne pouvaient pas être considérés comme relevant du domaine de
la construction. Elle a ainsi notamment exclu de la garantie décennale une machine à soupe pour le
bétail82
. Tout contrat relatif à la réalisation d'un ouvrage ou d'un bâtiment ne peut, même s'il est un
contrat de louage d'ouvrage, être considéré comme un contrat de construction entraînant l'application
des articles 1792 et suivants du Code civil. Ce recentrage de la responsabilité des constructeurs
rejoint le souhait de l'immense majorité des professionnels concernés, qui se voyaient déjà
contraints de souscrire, malgré eux, une police d'assurance décennale. On ne peut pas pour autant
évoquer, comme certains, un retour au bon sens ou à l'orthodoxie juridique. D'une part, en raison
de l'imprécision des termes de « fonction exclusive » et « d'activité professionnelle » mais aussi,
d'autre part, compte tenu des effets de l'article 1792-7. Cette réforme permet d'écarter de la
garantie décennale des sinistres potentiellement coûteux. Il reste que deux conditions cumulatives
doivent être réunies. Il faut, d'un côté, justifier de la finalité professionnelle de l'équipement. Et, de
l'autre, établir le caractère exclusif de cette activité professionnelle.
61. À vouloir schématiser, il est possible de résumer comme suit :
Droit commun
Si l'élément indissociable est affecté
dans sa solidité
Élément d'équipement
Décennale
Biennale
b. Travaux sur existants
62. Le sujet est très à la mode depuis un arrêt dont tout le monde parle, rendu par la troisième
chambre civile de la Cour de cassation le 15 juin 201783
201784, que beaucoup ont considéré, à tort85
, confirmé dans la foulée le 14 septembre
, comme un revirement de jurisprudence. Selon la
formule, désormais consacrée, les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou
non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent
l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.
Il y avait des précédents, mais peu et/ou moins clairs dans la formulation. La troisième chambre civile
de la Cour de cassation a ainsi eu l'occasion d'appliquer, à l'instar de ce qu'elle a fait pour l'ouvrage,
le critère de l'indissociabilité et ainsi pu considérer que les désordres causés aux existants
indissociables, conséquence de désordres aux travaux neufs, relèvent de la garantie décennale. Par
exemple, dans un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation ce 25 février
199886
, l'article 1792 a été appliqué à un entrepreneur ayant installé une cheminée intérieure
qui avait entraîné la destruction par incendie de la maison. La Cour de cassation va, dans l'arrêt
du 25 juin 2017, plus loin. Tant les circonstances temporelles de la mise en œuvre de l'élément
d'équipement considéré que la nature ou encore l'ampleur des travaux de son installation dans un
ouvrage préexistant sont indifférentes. Le rôle du droit commun de la responsabilité des constructeurs
s'en trouve d'autant réduit. Encore faut-il, bien entendu, que l'élément d'équipement soit
bien incorporé dans l'ouvrage. Les désordres qui affectent, par exemple, des canalisations d'eau
ou de gaz ne sont pas couverts par la garantie décennale dès lors que les canalisations sont exté82
Cass. 3e civ., 22 juill. 1998 : JCP E 1998, n° 49, 1922.
83 Cass. 3e civ., 15 juin 2017, n° 16-19640.
84 Cass. 3e civ., 14 sept. 2017, n° 16-17323.
85 Pour exemple la célèbre affaire Chirignan, Cass. 3e
3e civ., 7 avr. 2016, n° 15-15441 ; Cass. 3e
86 Cass. 3e civ., 25 févr. 1998 : Bull. civ. III, n° 46.
Si cela entraîne une impropriété
de destination de l'ouvrage ou
une atteinte à sa solidité
civ., 29 févr. 2000, n° 97-19143. Mais pas que : Cass.
civ., 20 avr. 2017, n° 16-13603.
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