Professions immobilières - Responsabilité des constructeurs - 2e - 73

LE RÉGIME DU DROIT SPÉCIAL DE LA RESPONSABILITÉ DES CONSTRUCTEURS
86. La réception judiciaire est de mise en œuvre délicate, raison pour laquelle elle est plus rarement
demandée. Souvent confondue, à tort, avec la demande en constatation judiciaire de la réception
tacite, la réception judiciaire intervient à la demande de la partie la plus diligente, souvent
l'entrepreneur confronté au refus injustifié du maître d'ouvrage de réceptionner l'ouvrage17
. La
réception judiciaire permet ainsi le prononcé d'une réception qui n'est pas intervenue alors que la
réception tacite tend à faire constater judiciairement une réception qui est déjà intervenue entre
les parties, tacitement. Pour reprendre l'expression consacrée, la réception judiciaire est un accord
forcé.
La Cour de cassation, comme elle l'a récemment rappelé dans un arrêt rendu le 24 novembre
201618
fixation de la date de la réception tacite dont l'existence était contestée prononcent une réception
judiciaire qu'aucune des parties n'avait demandée19
réception judiciaire ne peut prononcer une réception tacite20
. Si l'objet de la réception judiciaire
est bien distinct de celui de la réception tacite, qu'en est-il des conditions ? Si le critère de l'habitabilité,
condition à la prise de possession des lieux, est insuffisant, à lui seul, pour caractériser
la réception tacite, il pourrait permettre de caractériser la réception judiciaire. La jurisprudence,
majoritaire, fixe, en effet, la date de la réception judiciaire à la date à laquelle l'ouvrage est en état
d'être reçu c'est-à-dire qu'il est habitable21
. Il appartient donc seulement au Juge de vérifier que
les ouvrages étaient en état d'être reçus et à quelle date, peu importe que la réception judiciaire
ait été demandée après un premier constat des désordres22
inachèvements » qui n'empêcheraient pas les maîtres d'ouvrages d'entrer dans les lieux23
. Peu importe également « quelques
. Il n'en
va pas de même en cas d'existence de désordres ou de défauts de conformité rendant l'ouvrage
impropre à sa destination24
. Dans un arrêt largement commenté en date du 11 janvier 2012, la
troisième chambre civile de la Cour de cassation subordonne la réception judiciaire à l'absence de
désordres affectant la solidité de l'immeuble et compromettant « non seulement sa destination (...)
mais également sa pérennité »25
.
2. Le cas jurisprudentiel
87. Il s'agit de la réception tacite, pourtant volontairement exclue des possibilités de réceptionner
prévues à l'article 1792-6 du Code civil pour mettre un terme aux difficultés posées par la pratique
antérieure à la promulgation de la loi. Mais il est des cas où il n'est pas possible d'établir cet acte
contradictoirement, ce qui suscite un contentieux pour la réparation des désordres de la construction.
À partir du milieu des années 80/début 90, tant la Cour de cassation26
que le Conseil d'État27
ont donc renoué avec la jurisprudence en vigueur avant la loi dite Spinetta, admettant la validité
d'une réception tacite. La pratique a, également, envisagé la possibilité de réceptionner tacitement
l'ouvrage, notamment au travers des CCAG ou, plus spécifiquement, des stipulations contractuelles
qui peuvent prévoir que la prise de possession des lieux vaut réception par exemple28
.
17 Cass. 3e civ., 30 oct. 1991, n° 90-12659.
18 Cass. 3e civ., 24 nov. 2016, n° 15-26090.
19 Cass. 3e civ., 22 févr. 1995, n° 93-13346.
20 Cass. 3e civ., 12 mai 1999, n° 96-18268.
21 Cass. 3e civ., 21 janv. 2016, n° 14-23393.
22 Cass. 3e civ., 14 janv. 1998, n° 96-14482.
23 CA Paris, 19 sept. 1990 : JurisData n° 1990-023686.
24 Cass. 3e
25 Cass. 3e civ., 11 janv. 2012, n° 10-26898.
26 Cass. 3e civ., 23 avr. 1986 : Bull. civ. III, n° 46 et 47.
27 CE, 11 févr. 1991, Département des Ardennes : RDI 1991, p. 210.
28 Cass. 3e
civ., 4 nov. 1992, n° 91-10076.
71
civ., 26 janv. 2010 : JurisData n° 2010-051379.
, veille à cette différence. Elle refuse ainsi que les juges du fond saisis d'une demande de
. À l'inverse, un Juge saisi d'une demande de
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