Les Carrés Rouge - L'essentiel du droit du contentieux constitutionnel - 2e - 31

CHAPITRE 1 - Les normes constitutionnelles du contrôle
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Cette argumentation du Conseil ne convainc pas entièrement. D'abord, parce que les juges ordinaires
n'ont pas tous accepté de jouer le rôle qu'il leur abandonnait :
- la juridiction judiciaire - quelques mois seulement après la décision du 15 janvier 1975 et en se
fondant explicitement sur la distinction du Conseil entre contrôle de constitutionnalité et
contrôle d'applicabilité - a ainsi décidé, dès lors que les conditions étaient réunies, de faire
prévaloir le traité et d'écarter en conséquence la loi, qu'elle lui soit antérieure ou postérieure
(Cass. ch. mixte, 24 mai 1975, Société Jacques Vabre);
- le juge administratif, en revanche, n'a cru devoir revenir sur sa jurisprudence de 1968 selon
laquelle il refusait d'assurer et d'imposer la primauté d'un accord international sur les lois nationales
postérieures (CE, 1er
mars 1968, Syndicat national des fabricants de semoule) que par
l'arrêt Nicolo de 1989.
Mais surtout, l'argumentation du Conseil, certainement correcte lorsqu'elle s'applique aux traités
internationaux, ne l'est plus lorsqu'elle concerne la Convention européenne des droits de
l'homme et, plus largement, les traités et conventions humanitaires. En effet, la condition de réciprocité,
fondement de l'explication du Conseil, est exclue du droit international humanitaire. Cela
ressort clairement à la fois de l'article 60 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, des
décisions de la Commission et de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 18janv.
1978, Irlande c/ Royaume-Uni), et de la simple logique. Les caractères des conventions humanitaires
s'opposent en effet à l'idée même de réciprocité : elles sont moins des contrats, par lesquels
les parties s'échangeraient des droits subjectifs et réciproques, que des traités-lois instaurant à la
charge des États contractants une obligation objective et absolue, celle de protéger et de respecter
les droits de l'homme, quel que soit son lien de rattachement national ; en ce sens, elles possèdent
des propriétés semblables à celles traditionnellement reconnues aux constitutions.
2) Une exclusion juridictionnellement stratégique
La tentation de revenir sur la jurisprudence IVG a été manifeste dans la période 1997-2004, mais
l'introduction de la QPC a conduit le Conseil à bloquer, pour des raisons stratégiques, l'évolution
jurisprudentielle favorable à l'intégration du droit européen dans le bloc de constitutionnalité.
Dans sa décision du 18 décembre 1997 (nº97-393 DC), le Conseil s'appuie explicitement sur « la
directive no
92-25 du 25 mars 1992 du Conseil des communautés européennes concernant la
distribution en gros de médicaments à usage humain, non encore transposée », pour décider si
les laboratoires pharmaceutiques et les grossistes répartiteurs de médicaments sont, objectivement,
dans des situations différentes pouvant justifier une différence de traitement fiscal. L'innovation
jurisprudentielle est considérable, car c'est la première fois que le Conseil utilise une directive
communautaire pour apprécier la constitutionnalité d'une disposition législative nationale.
Sans doute, l'argument « directive » vient-il en second, pour conforter celui, plus classique, des
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