Hors collection - Analyse financière internationale - 1re - 145

D'un point de vue de technique financière, la gestion des risques financiers doit être à la pointe
de l'innovation afin de pouvoir identifier et contrôler de nouvelles sources de risques, et ainsi
éviter de nouveaux désastres financiers. Mais elle n'est pas seulement un exercice technique et
quantitatif, elle est également une discipline managériale faisant appel à une compréhension
de l'environnement économique et stratégique, de l'histoire mais aussi de la psychologie et des
sciences cognitives. Les gestionnaires de risque se doivent donc de développer un portefeuille
de compétences très large.
Les sources principales pour ce chapitre sont la revue de la littérature de Lleo (2009), ainsi que
les ouvrages de Jorion (2007), Embrechts, Frey and McNeil (2005), et Crouhy, Galai, et Mark
(2001, 2013).

Section 1 É
volution de la notion de risque
L'étymologie du terme « risque » évoque une connexion profonde avec le commerce maritime
qui prit son essor à partir du Moyen Âge. En effet, ce terme provient du latin « resecare » signifiant « couper » et qui a donné par la suite « resecum », le rocher tranchant ou l'écueil62. Par rapport aux activités traditionnelles comme l'agriculture ou l'industrie embryonnaire, le commerce
maritime présente des problématiques particulières nécessitant une panoplie de solutions allant
du simple et matériel (faire voyager les navires en convois sous escorte armée) au complexe et
à l'abstrait (l'assurance maritime). En effet, si une flotte bien armée peut réduire la menace de
pirates ou de marchands rivaux, elle ne peut en revanche rien contre les aléas de la mer.
Cette limitation suscita le développement de mécanismes sophistiqués d'assurance. Le grand
avantage de l'assurance est qu'elle permet de séparer le mode de gestion de la compagnie
maritime de la gestion des risques encourus. Pourtant, pour que l'assurance se développe, il
aura fallu plus qu'un simple besoin commercial. Il aura fallu une avancée conceptuelle et le
développement d'outils mathématiques performants.
L'avancée conceptuelle requise est un saut dans l'abstraction, puisqu'un contrat d'assurance est
un simple contrat légal, donc un bien immatériel. Qui plus est, ce contrat est contingent et asymétrique. Contingent car le paiement n'entre en vigueur que si le risque de naufrage se matérialise. Asymétrique car le paiement représente un multiple important des primes versées. Fixer
la prime d'assurance est donc difficile et requiert des outils conceptuels et calculatoires avancés.
Ferguson (2009) résume les six innovations mathématiques des xviiie et xixe siècles qui ont permis
ce développement : probabilités, espérance de vie, certitude et Loi des grands nombres, Loi
normale, utilité et inférence statistique. Dans le sillage de l'assurance sont aussi apparus les premiers groupements mutuels destinés à fournir une pension aux veuves et qui évoluèrent ensuite
en caisses d'assurance maladies, mutuelles et caisses de retraite. L'actuariat était né.
Au travers des probabilités, la gestion des risques a également hérité d'un élément (si ce n'est
d'une part culturelle) lié aux paris et aux jeux de hasard. En fait, on doit le premier effort de
formalisation des probabilités à Cardano, un médecin milanais, mathématicien et joueur incorrigible du xvie siècle. De même, l'une des premières études académiques des probabilités, due à
Blaise Pascal et Pierre Fermat, a été inspirée par une question du Chevalier de Méré, un joueur
invétéré. D'un point de vue étymologique, les termes français « aléatoire » et « hasard » proviennent respectivement du latin « aleas » et de l'arabe « az-zahr » signifiant « les dés ». La
dualité entre risques et jeux est encore plus explicite en langue anglaise, où le terme « az-zahr »,
francisé en « hasard », a ensuite donné naissance au mot « hazard » définissant une situation à la
fois incertaine et périlleuse, ce qui nous renvoie au commerce maritime de l'Empire britannique.
62 Cf. BERNSTEIN, 1998.

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