Hors collection - Analyse financière internationale - 1re - 160

Rochet et Tirole (1996) définissent le risque systémique comme faisant « référence à la propagation de la détresse économique d'un agent à d'autres agents liés à cet agent par des transactions financières. Le risque systémique est une inquiétude sérieuse pour le secteur industriel,
dans lequel le crédit commercial lie les producteurs au travers d'une chaîne d'obligations, et
dans le secteur de l'assurance au travers de l'institution de réassurance ». Selon Altyg et les économistes de la Federal reserve bank d'Atlanta, « le concept de risque systémique est un terme
relativement récent qui trouve son origine dans des débats politiques, et non dans la littérature
professionnelle d'économie et de finance. Une recherche sur le site EconLit a révélé ce qui suit :
la première apparition du terme risque systémique dans le titre d'un article dans la littérature
professionnelle en économie et en finance était en 1994. Il s'agissait de la revue d'un ouvrage
écrit par un économiste de la Banque mondiale, et non un article publié dans une revue académique par un économiste appartenant à une université. Étant donné son origine dans les débats
politiques, il n'est peut-être pas si surprenant que le terme de « risque systémique » soit souvent
utilisé sans avoir à l'esprit une définition apparente précise. »
Les autorités supranationales (Financial stability board, Fonds monétaire international, Banque
des règlements internationaux) sont toutefois à l'origine d'une définition de travail pour le
risque systémique comme étant « le risque de disruption des flux de services financiers qui est
causée par une défaillance de tout ou partie du système financier et qui a le potentiel d'avoir
des conséquences négatives sérieuses sur l'économie réelle » (Financial stability board, 2009).
Une première comparaison des définitions de Rochet et Tirole et des autorités supranationales
révèle que le risque systémique relève d'un champ plus vaste que la catégorisation classique des
risques financiers entre risque de marché, risque de crédit, risque opérationnel et risque légal
et de réputation. Le risque systémique est un risque de propagation d'une défaillance, quelle
que soit la cause de cette défaillance (mouvement adverse du marché, effet de levier spéculatif,
fraude) ou le mécanisme de propagation (défaut en série, perte de confiance entraînant un
effondrement de la liquidité). La différence clef entre les deux définitions est l'accent mis par
les autorités sur la transmission du risque systémique du système financier à l'économie réelle.
Nous avons donc une première évolution du concept de système financier, d'un ensemble visant
à assurer l'intermédiation financière, à un ensemble pouvant devenir vecteur de risque pour
l'économie réelle. Toutefois, il manque encore une réelle notion de système.
La littérature académique sur le risque systémique se développe à partir de la fin des années
1990 sur trois grands axes. Le premier axe est celui de l'étude de la contagion dans un contexte
économique (Rochet et Tirole 1996, et Allen et Gale 1998, 2000). Le deuxième axe est celui des
modèles de mesures de risque systémique, apparus après la crise, la CoVar d'Adrian et Brunnermeier (2016), les mesures d'espérance conditionnelle d'Acharya et al. (2010) ou de Brownlees et
Engle (2016). Le troisième axe étudie la transmission du risque dans un système financier assimilé à un réseau : le système interbancaire est vu comme un réseau dirigé où chaque nœud est
une institution et chaque lien représente un échange de flux financiers. L'article fondateur est
celui d'Eisenberg et Noe (2001). Le thème de la contagion avait également été exploré par Davis
et Lo (2001). Cont (2010) considère l'impact de credit default swaps sur les systèmes de règlements modélisés à l'aide de réseaux. Récemment, Diebold et Yilmaz (2015) ont proposé une
analyse de la connectivité financière et macroéconomique fondée sur une approche en réseau.
Cette nouvelle vision du système financier représente un progrès réel, même si elle est encore
loin d'avoir acquis une vraie dimension systémique. L'approche en réseau est utile pour développer une approche systémique, non seulement car elle permet de comprendre et modéliser
des phénomènes complexes et non linéaires, mais aussi car les réseaux sont un outil transversal
important pour l'étude de systèmes technologiques, logistiques ou encore sociaux.

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