Hors collection - Analyse financière internationale - 1re - 318

Section 7 L a gouvernance
Viviane Neiter

§ 1. De la compagnie des Indes aux dernières lois
Le concept de gouvernement/gouvernance d'entreprise n'est pas nouveau  ; dès le début du
xviie siècle, La Compagnie des Indes est une illustration concrète de cette notion et de ses enjeux,
à savoir la mise en œuvre d'organes de contrôle des pouvoirs et de dispositifs divers dans l'intérêt social de l'entreprise, le tout devant assurer sa pérennité et une performance durable au sens
de chacune des parties prenantes. La Compagnie des Indes se dote rapidement de deux organes
de contrôle : la cour des propriétaires pourvue du pouvoir de régulation et d'orientation, et la
cour des directeurs au rôle exécutif. Un siècle plus tard, Smith (1776) écrit dans La Richesse des
Nations : « Les directeurs de ces sortes de compagnies (les sociétés par actions) étant les régisseurs de l'argent d'autrui plutôt que de leur propre argent, on ne peut guère s'attendre à ce
qu'ils y apportent cette vigilance exacte et soucieuse que les associés apportent souvent dans
le maniement de leurs fonds [...]. Ainsi, la négligence et la profusion doivent toujours dominer
plus ou moins dans l'administration des affaires de la compagnie ».
Dans les années 1920, sous la république de Weimar, les premiers exemples de codétermination
(Mitbestimmung) apparaissent, gouvernance d'entreprise fondée sur des pratiques donnant
un rôle important aux employés dans le management des entreprises et un partage du pouvoir
plus équilibré entre actionnaires et salariés - dont on en retrouvera des éléments dans le rapport Notat-Sénard de 2018, à l'origine de la loi PACTE.
Ce n'est qu'en 1976 que le concept de corporate governance est relevé pour la première fois
dans Taming the Giant Corporation. Cette année-là, Eisenberg propose de remplacer le modèle
juridique du conseil par un monitoring model dans lequel une majorité d'administrateurs serait
indépendante du management et renforcerait la responsabilité des managers.
La massification et l'internationalisation des actionnaires essentiellement institutionnels vont
accompagner cette prise de conscience du contrôle des pouvoirs dans les sociétés. C'est une série
de scandales qui va réellement booster la mise en place à la fois de lois (hard law) et de codes de
bonnes pratiques (soft law), les 2 piliers sur lesquels s'appuie la corporate gouvernance. Citons
l'affaire Maxwell en Grande-Bretagne en 1991 qui fut suivie d'une réflexion sur les modes de
surveillance et de régulation des activités des caisses de retraite par le régulateur Securities
and Investments Board. Puis le Financial Reporting Council a constitué un comité présidé par le
président de Cadbury Schweppes, à l'origine du rapport Cadbury relatif aux aspects financiers
du gouvernement d'entreprise publié en 1992, et du principe toujours en vigueur du comply or
explain (principe de transparence qui contraint les sociétés à communiquer sur la mise en œuvre
d'un code de bonne conduite en matière de gouvernance et à expliquer aux parties prenantes
pourquoi elles n'appliquent pas les bonnes pratiques préconisées par ce code).
À partir de 2001, l'affaire Worldcom et la débâcle Enron vont doper la corporate governance :
manipulation des comptes poussée à son paroxysme - le maquillage des pertes en bénéfices
grâce à des modèles extrêmement complexes -, couverture par des politiciens, utilisation d'environ 3 000 sociétés offshore pour localiser ses dettes hors du bilan, fortes recommandations
d'achats des actions Enron par des banques d'affaires peu scrupuleuses, complicités internes
pour cacher la vérité, liens entre l'ancien CFO et la trésorière adjointe qui n'est autre que son
épouse, conflits d'intérêts, absence de contrôle interne, déficience du conseil d'administration, etc. sont autant d'éléments qui ont entraîné la faillite de l'entreprise, spécialisée dans le
gaz et le courtage, avec le licenciement de 20 000 employés et la perte d'une partie de leurs
retraites placées en actions Enron. En 2006, au terme d'un procès très attendu, deux des CEOs

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