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LES RELATIONS DE TRAVAIL AU SEIN DE L'ENTREPRISE
153. Position de la Cour de cassation. Par deux avis (très) attendus du 17 juillet 2019, la formation
plénière de la Cour de cassation s'est prononcée sur deux demandes relatives à la compatibilité du
barème d'indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse prévu à l'article L. 1235-3
du Code du travail, issu de l'ordonnance nº 2017-1387 du 22 septembre 2017, avec les articles 6, § 1,
de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 24 de la Charte
sociale européenne et 10 de la Convention OIT nº 15815
. Le texte en cause met en place un barème
d'indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle-ci devant être comprise
entre des montants minimaux et maximaux et le juge déterminant, à l'intérieur de ces limites, le
montant de l'indemnisation versée à chaque salarié en prenant en compte d'autres critères liés à la
situation particulière de celui-ci ; les montants maximaux varient, selon les effectifs de l'entreprise et
l'ancienneté du salarié, entre un et vingt mois de salaires bruts. Le barème s'applique lorsque, cumulativement,
sont reprochées une absence de cause réelle et sérieuse et une irrégularité de procédure. Le
barème est écarté en cas de nullité du licenciement (liée notamment à la violation des libertés et
droits fondamentaux) ; il n'est pas applicable en cas de licenciement abusif (autrement appelé vexatoire)
et de violation des critères d'ordre des licenciements. Les questions étaient les suivantes : le
barème, ainsi exposé, est-il contraire au droit à un procès (art. 6, § 1), au « droit à » une indemnité
« adéquate » ou une « réparation appropriée » (art. 10 et 24) ? Le Conseil constitutionnel avait déjà
déclaré conforme à la Constitution le barème lors du contrôle de constitutionnalité de la loi de ratification
du 29 mars 201816
; auparavant, le Conseil d'État avait reconnu sa compatibilité avec les articles
24 de la Charte sociale européenne et 10 de la Convention OIT nº 158 à la suite d'un recours
pour excès de pouvoir contre l'ordonnance17
.
Dans le cadre de la procédure d'avis devant la Cour de cassation, à titre liminaire, il fallait résoudre la
question de la recevabilité de la demande. La formation plénière procède à un revirement afin
«d'assurer, dans un souci de sécurité juridique, une unification rapide des réponses apportées à des
questions juridiques nouvelles »18
: « la compatibilité d'une disposition de droit interne avec les dispositions
de normes européennes et internationales peut faire l'objet d'une demande d'avis dès lors que
son examen implique un contrôle abstrait ne nécessitant pas l'analyse d'éléments de fait relevant de
l'office du juge du fond »19
. Est ainsi instauré un ersatz de « question prioritaire de conventionnalité »,
la Cour ne formulant qu'un avis dépourvu de force contraignante. La portée reste à déterminer. La
solution touche toute « disposition de droit interne », englobant la loi, le règlement mais aussi les
accords collectifs (spécialement de branche). Son domaine est cantonné à un « contrôle abstrait ».
Or, la conventionnalité implique souvent un contrôle concret de « proportionnalité » qui demeure
entre les mains des juges du fond, comme le révèle le contentieux relatif à l'application de la Convention
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Des juges du fond se sont déjà
engouffrés dans cette brèche pour affirmer que, lors d'un contrôle concret, ils sont habilités à vérifier la
conventionnalité du barème20
. Notre humble avis est qu'il faudrait réformer l'article 55 de la Constitution
en confiant le contrôle de conventionnalité au Conseil constitutionnel.
15. Cass., ass. plén., avis, 17 juill. 2019, nº 19-70010 et nº 19-70011.
16. Cons. const., 21 mars 2018, DC, nº 2018-761.
17. CE, 7 déc. 2017, nº 415376.
18. Cote explicative, www.courdecassation.fr
19. Sur l'évolution jurisprudentielle, Cass., avis, 16 déc. 2002, nº 00-20008, Bull. civ., avis, nº 6. - Cass. soc., avis, 12 juill.
2017, nº 17-70009, Bull. civ., Avis, nº 9. - Cass. 2e
Cf., en droit du contentieux administratif, CE, 6 déc. 2002, nº 250167.
20. CA Reims, 25 sept. 2019, RG nº 19/000003.
civ., avis, 7 févr. 2018, nº 17-70038 et 12 juill. 2018, nº 18-70008. -
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