En poche - Régimes des libertés et droits fondamentaux - 4e - 34

LE DROIT AU LOGEMENT
Le droit au logement ne bénéficie pas d'une consécration juridique aussi
solide. Certes, plusieurs textes suggèrent un lien entre logement et
dignité impliquant de garantir aux individus un niveau de vie suffisant
(DUDH, art 25 ; PIDEC, art. 11 ; Charte des droits fondamentaux de
l'Union, art. 34 § 3 sur l'aide au logement). Mais les formulations restent
vagues excepté dans la Charte sociale européenne révisée dont le dernier
article (art. 31) consacre expressément le droit au logement. De son côté,
la Cour européenne qui avait pu conclure en 1979 à l'absence de cloison
étanche entre les droits dits civils et politiques d'une part et les droits
économiques et sociaux d'autre part (CEDH, 9 oct. 1979, n° 6289/73,
Airey c/ Irlande) se contente de déduire du respect du domicile (CESDH,
art. 8) « le caractère souhaitable que tout être humain dispose d'un
endroit pour vivre dans la dignité » (CEDH, 18 janv. 2001, n° 27238/95,
Chapman c/ Royaume-Uni). Aussi le juge de Strasbourg admet-il simplement
que l'article 1er
du 1er protocole additionnel relatif au droit de propriété
n'empêche pas les États de prendre des mesures telles que le gel
des loyers ou la suspension des expulsions afin de faire face à une crise
du logement (CEDH, 28 sept. 1995, n° 12868/87, Spadea et Scalabrino
c/ Italie) laissant aux États la possibilité de mener une politique en faveur
du logement.
En droit interne, le Conseil constitutionnel s'est appuyé sur les alinéas 10
et 11 du Préambule de 1946 et sur le principe constitutionnel de sauvegarde
de la dignité de la personne humaine qu'il venait juste de consacrer
(Cons. const., 27 juill. 1994, n° 94-343/344 DC, Loi bioéthique) pour
découvrir un objectif de valeur constitutionnelle consistant dans « la
possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent »
(Cons. const., 19 janv. 1995, n° 94-359 DC, Diversité de l'habitat). De cet
OVC ne découle aucune obligation pour l'État de fournir un logement à
ceux qui en sont dépourvus, mais simplement une habilitation du législateur
à mettre en place une politique du logement susceptible de limiter
d'autres droits fondamentaux, au premier chef le droit de propriété.
La reconnaissance de la fondamentalité du droit au logement est en
réalité à mettre au crédit du législateur (loi n° 82-526 du 22 juin 1982).
Toutefois, en dépit d'un arsenal législatif non négligeable destiné à prévenir
les expulsions, lutter contre l'insalubrité (en interdisant les coupures
d'électricité dans les résidences principales en cas de non-paiement des
factures, Cons. const., 29 mai 2015, n° 2015-470 QPC), encadrer les
loyers (loi n° 2014-366 Alur, loi n° 2018-1021 Élan), multiplier les logements
disponibles (loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 prévoyant la réquisition
de locaux vacants appartenant à des personnes morales) et favoriser le
renouvellement urbain (L. n° 2000-1208, 13 déc. 2000, dite SRU), le droit
au logement restait désespérément inopposable. Le juge des référés
refusait même de reconnaître son caractère fondamental au motif que le
juge constitutionnel n'avait consacré qu'un objectif de valeur constitutionnelle
(CE, ord., 3 mai 2002, n° 245697, Assoc. de réinsertion sociale du
Limousin, à l'inverse du droit à l'hébergement d'urgence reconnu comme
liberté fondamentale, CE, ord. 10 février 2012, n° 356456, Karamoko
c/ Ministre de la Cohésion sociale). De ce point de vue, la loi n° 2007-590
du 5 mars 2007 qui institue un droit au logement opposable (DALO)
marque un tournant. Elle fait peser sur l'État l'obligation de fournir un logement
décent aux personnes déclarées prioritaires par une commission
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