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ENTREPRISES PATRIMONIALES ET DROIT DES SOCIÉTÉS
d'administration, de jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu'il détient individuellement, il
est réputé, à l'égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul cet acte » (C. civ., art. 222).
Cette présomption ne vaut cependant pas pour certains biens meubles dont l'aliénation requiert, selon
la loi, l'accord des deux époux (par exemple, des parts sociales non négociables). Pour apprécier le
degré de liberté dont jouit chaque époux pour réaliser son apport à une société, il y a lieu de distinguer
selon la nature des biens qui vont faire l'objet de l'apport.
59. Biens propres. Lorsque les époux n'apportent que des biens propres, celui qui réalise l'apport
devient associé et les actions ou parts sociales qu'il reçoit en contrepartie ont la qualité de propres
(C. civ., art. 1428), en vertu du mécanisme de la subrogation réelle (C. civ., art. 1406)12
, sous réserve
des dispositions de l'article 215 du Code civil protégeant le logement familial dont aucun des deux
époux ne peut disposer sans obtenir l'accord de son conjoint (sous peine de nullité de l'apport) et de
celles de l'article 220-1 du même code qui permet de faire interdiction à un époux de disposer librement
de ses biens propres si l'acte met en péril les intérêts de la famille.
60. Biens communs. Lorsque les époux apportent des biens communs, il convient de distinguer selon
le type de société, en principe chaque époux peut agir seul et ses actes sont opposables à l'autre époux
(C. civ., art. 1421) ; dans ce cas :
- si l'apport est réalisé au profit d'une société qui émet des actions (SA, SCA, SAS...), celui des
époux qui réalise l'apport a seul la qualité d'associé, même si la finance de l'action (sa valeur
ainsi que les dividendes qu'elle génère) entre dans la communauté (distinction devenue classique
du titre et de la finance13
: le titre d'associé est propre à l'époux apporteur tandis que la valeur des
droits sociaux représentatifs du capital social souscrit ainsi que les fruits générés par cet apport
entreront dans la communauté) ;
- en revanche, la souscription de parts sociales (SARL, Société civile...) impose à l'apporteur
(C. civ., art. 1832-2), sous peine de nullité de l'apport (C. civ., art. 1427), d'informer son
conjoint. L'action en nullité se prescrit par 2 ans. Si les parts sociales souscrites ou acquises sont
communes, en revanche, à ce stade, le conjoint de l'apporteur n'a pas la qualité d'associé et ne
saurait donc être poursuivi en paiement des dettes sociales14
. Mais, le conjoint de l'apporteur
peut revendiquer cette qualité pour la moitié des parts sociales (C. civ., art. 1832-2) depuis le
jour de l'apport jusqu'au prononcé définitif du divorce. Il peut aussi renoncer à cette
revendication15
.
61. Biens communs importants. Mais, pour certains biens communs considérés comme importants
(logement familial, immeuble, fonds de commerce, meubles soumis à publicité, droits sociaux non
négociables), le législateur a souhaité protéger le patrimoine commun du couple et impose, pour que
l'acte soit opposable à la communauté, que l'époux apporteur recueille au préalable l'accord de son
conjoint (C. civ., art. 1424), cela indépendamment de la forme sociale de la société qui reçoit
l'apport, sous peine, là encore, de nullité. Relevons que le même résultat peut être obtenu pour
n'importe quel bien au moyen d'une clause d'administration conjointe insérée dans le contrat de
mariage (C. civ., art. 1503).
12. Cass. 1re civ., 27 mai 2010, nº 09-11894.
13. Cass. 1re civ., 9 juill. 1991, nº 90-12503 : Defrénois 1991, nº 23, p. 1333, note Le Cannu P.
14. Cass. 3e civ., 20 févr. 2002 : BJS 2002, p. 718, note Lucas F.-X.
15. Cass. com., 18 nov. 2020, nº 18-21797, jugeant pour la première fois que la revendication des parts sociales d'une SNC
par le conjoint non-apporteur suppose l'accord unanime des autres associés.

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