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ENTREPRISES PATRIMONIALES ET DROIT DES SOCIÉTÉS
200. Assiette. Dans l'état actuel de la jurisprudence, tous les biens donnés ou légués au dirigeant
comportant une clause d'inaliénabilité ne peuvent faire l'objet d'une saisie tant que cette clause est
en vigueur, notamment tant que le donateur est en vie69
.
201. Procédures civiles d'exécution. Pour être complet sur cette question, on doit relever que le
régime des procédures d'exécution comporte une hypothèse de stipulation d'insaisissabilité autonome
des clauses d'inaliénabilité. L'article L. 112-2-4 du Code des procédures civiles d'exécution dispose
que ne « peuvent être saisis... les biens disponibles déclarés insaisissables par le testateur ou le donateur,
si ce n'est avec la permission du juge et pour la proportion qu'il détermine, par les créanciers
postérieurs à l'acte de donation ou à l'ouverture du legs ».
Aussi, en vertu de ces dispositions légales, il est tout à fait permis à un donateur ou à un testateur
d'introduire, dans son acte de donation ou son legs, une clause indiquant que le bien ou l'ensemble
de biens reçus par le donataire ou le légataire ne pourront être saisis par les créanciers de ces derniers.
202. L'insaisissabilité du contrat d'assurance-vie et ses limites. En outre, la technique de l'insaisissabilité
se retrouve en matière d'assurance-vie. En effet, il est prévu, dans cette matière, que le capital ou
la rente garantis au profit d'un bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par les créanciers du
contractant (C. assur., art. L. 132-14). Autrement dit, tant que le contrat d'assurance-vie n'est pas
dénoué ou ne fait pas l'objet d'un rachat par son souscripteur, il n'est pas possible de déterminer à qui
appartiennent les sommes et valeurs qui figurent à son actif, de sorte que les créanciers du souscripteur
ne peuvent les appréhender. Aussi, la technique consistant, pour un chef d'entreprise, à placer des
sommes et valeurs sur un tel support constituera un excellent et redoutable moyen de soustraire des
actifs à l'action de ses éventuels créanciers professionnels. Toutefois, la portée de cette technique radicale
doit être parfaitement mesurée. En premier lieu, la technique ne peut pas faire échec au recouvrement
de dettes fiscales et douanières, sauf si le contrat d'assurance-vie ou de capitalisation est stipulé
non rachetable70
ou encore s'il a été accepté par son bénéficiaire.
En second lieu, la souscription d'un contrat avec versement d'une prime unique ou les versements sur
un contrat déjà souscrit par un chef d'entreprise pourront toujours être contestés par ses créanciers
professionnels, soit sur le fondement de la fraude paulienne (C. civ., art. 1341-2), soit à raison du
caractère manifestement exagéré de ces versements, notamment au regard des forces contributives du
souscripteur (C. assur., art. L. 132-13, al. 2), soit enfin quand ces primes auront été versées durant la
période suspecte précédant l'ouverture de la procédure collective contre l'entreprise (C. assur., art.
L. 132-14).
203. Pacte tontinier. Enfin, la technique de l'insaisissabilité reste particulièrement efficace en matière
de pacte tontinier. En effet, les sociétés à forme tontinière vont réunir des investisseurs qui se partageront,
entre survivants, à terme, le capital et les produits de leurs investissements ; par construction,
pendant la durée de vie de la société à forme tontinière, on ne saurait déterminer avec précision
quels sont les droits dont jouiront, à l'échéance, les adhérents survivants puisque, précisément, ceuxci
sont conditionnés à cette survie (C. assur., art. L. 322-26-4 et R. 322-139 et s.). Rappelons, au
surplus, qu'il s'agit d'un investissement financier non rachetable et exclu du champ de la saisie pour
dettes fiscales.
69. V. en ce sens, Cass. 1re civ., 8 janv. 1975 : JCP N 1976, II, 18240, note H. Thuillier.
70. BOI-REC-FORCE 30-30, 28 août 2017.

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