Hors collection - Innovations financières et Réforme monétaire, ou comment sortir du piège de la dette - 49

Cou r t e h i s to i r e d e l a mon n a i e d e l'an t i qu i t é au x x i e s i è Cl e
sentiments d'injustice lorsque sa distribution n'est pas fluide et n'alimente
plus les ménages d'une manière équilibrée et suffisante. Ce sera aussi le cas
lorsque la fraude se répand et lorsque l'unité monétaire est manipulée. La
monnaie soulève, par ailleurs, la question de la responsabilité collective par
opposition à la responsabilité individuelle. Ce fut par exemple une erreur de
sanctionner l'Allemagne prussienne pour les dommages de la Première
Guerre mondiale. Les dommages de guerre n'ont jamais vraiment été payés
par l'Allemagne mais utilisés par la propagande du gouvernement nazi pour
contester le Traité de Versailles comme étant injuste. La contestation politique
était fondée sur le fait que les citoyens allemands ne se sont jamais
sentis (et ne l'étaient probablement pas individuellement) responsables de la
guerre alors qu'ils ont été invités à en payer les conséquences collectivement.
Les alliés après la Seconde Guerre mondiale ont appris de la Première Guerre
mondiale et n'ont pas répété la même erreur en détruisant la monnaie allemande
par un système de sanctions irréalistes qui les privait des moyens de
faire fonctionner leur industrie.
Au contraire, sous l'égide des États-Unis, ils ont mis en place le plan Marshall
pour reconstruire les économies détruites, y compris celle des Allemands.
Plus important encore, ils ont décidé, sous la pression du juge
français au tribunal contre les crimes de guerre de Nuremberg10, de poursuivre
les criminels en tant qu'individus et non le peuple allemand dans son
ensemble.
La monnaie est bivalente. Il s'agit d'un bien collectif mais d'un usage individuel
et collectif. Ce lien entre les individus et la société est le sujet central de
ce livre en ce qu'il en fonde la réflexion, et les recommandations qui en
découlent, d'une monnaie étendue qui n'a pour vocation que de développer
la production et ainsi le PIB disponible à la redistribution par son effet sur
l'économie réelle. Dès lors, sa quantité n'a pas d'importance en soit et doit
être variable, à la hausse comme à la baisse, selon les besoins exprimés en
valeur libératoire par rapport aux prix affichés. C'est l'inverse du modèle
ancien où la quantité était contrainte par des dogmes.
La distinction entre économie réelle et économie financière sur laquelle nous
insistons est connue depuis toujours mais, malgré son évidence, personne
avant Nicolas Oresme (Abbaye de Lisieux, France 1325-1382) n'avait pu
expliquer où se situaient les limites entre les deux sphères. À l'exception de la
religion, tout ce qui était négociable à cette époque était tangible, surtout
l'argent, c'est-à-dire la monnaie, qui était essentiellement métallique. Le
sujet n'a jamais été conclu et la question des interactions entre économie
réelle et économie financière est plus que toujours, ouverte.
10. Le procès organisé par le traité d'août 1945 entre les alliés a duré de novembre 1945
à octobre 1946. Le juge français était Henri Donnedieu de Vabres.
49

Hors collection - Innovations financières et Réforme monétaire, ou comment sortir du piège de la dette

Table des matières de la publication Hors collection - Innovations financières et Réforme monétaire, ou comment sortir du piège de la dette