Professions immobilières - Construction et réhabilitation des ouvrages publics - 1re - 23

II. Le pouvoir de direction de l'opération
et ses conséquences
Ce qui caractérise le maître d'ouvrage selon les textes et la jurisprudence, c'est l'exercice de la direction
de l'opération1
. Investi d'une mission d'intérêt général, le maître d'ouvrage est à l'initiative
de toutes les décisions structurantes du projet. Il en fixe la localisation et le programme, en arrête
l'enveloppe financière prévisionnelle, choisit le maître d'œuvre, dirige et approuve les études de
conception (notamment les avant-projets), choisit le mode de passation des marchés et leurs
titulaires, assure l'ordonnancement et le financement des travaux, puis prononce leur réception.
Ces différentes prérogatives énumérées à l'article L. 2421-1 du CCP lui sont exclusives, il ne peut
s'en démettre quel que soit le mode de conduite de l'opération.
Cette notion de direction de l'opération exige par conséquent l'intervention et la présence vigilante
du maître d'ouvrage tout au long de l'opération, et ce même s'il s'est entouré de l'ensemble des
expertises nécessaires pour mener à bien le projet.
Toute faute commise dans l'exercice de ce pouvoir est susceptible d'engager sa responsabilité,
comme en atteste une abondante jurisprudence concernant très souvent des situations invoquées
dans les mémoires en réclamation des entreprises. Le Conseil d'État est venu préciser les types
de fautes imputables au maître d'ouvrage dans l'exercice de ses prérogatives ; il s'agit de manquements
commis « notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du
marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en
œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux
publics »2
.
Le champ des possibles est donc très étendu en matière de responsabilité pour défaut d'exercice
du pouvoir de direction de l'opération, comme en attestent les exemples suivants :
- insuffisance des études préalables : commet une faute le maître d'ouvrage qui a fait réaliser
avant la passation d'un marché de travaux des études de sol qui se sont révélées insuffisantes
avant les travaux3
;
- insuffisance du contrôle des documents contractuels : est fautif le maître d'ouvrage qui consulte
les entreprises sur la base du dossier de consultation des entreprises (DCE) dont les documents
techniques se révèlent incomplets, et qui n'a pas exercé un contrôle suffisant sur les pièces fournies
par le maître d'œuvre au moment de la passation des marchés de travaux4
;
- insuffisance du contrôle des retards des différents intervenants sur le chantier : le maître d'ouvrage
peut être considéré comme fautif s'il ne s'est pas saisi de l'accumulation de retards de plusieurs
entreprises, à l'origine du préjudice financier subi par l'une d'entre elles5
.
On pourrait donc craindre une quasi-responsabilité « de principe » du maître d'ouvrage résultant
de son pouvoir de direction de l'opération, l'exposant presque systématiquement aux recours indemnitaires
des entreprises dès lors que le chantier dérape financièrement ou sur le plan calen1
Par ex. : CE, 25 févr. 1994, n° 144641/145406, Société Sofap-Marignan immobilier : Lebon - CE, 9 déc.
2011, n° 342283, Commune d'Alès.
2 CE, 6 janv. 2016, n° 383245, Société Eiffage Construction Alsace, Franche-Comté.
3 CAA Nancy, 19 oct. 2006, n° 04NC00962, Commune de Dôle.
4 CAA Nancy, 24 juin 1993, n° 92NC00220, Ministère de l'Équipement, du Logement, des Transports et de
l'Espace.
5 CAA Versailles, 29 nov. 2012, n° 10VE03203, Société Chauffage et entretien.
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CONSTRUCTION ET RÉHABILITATION DES OUVRAGES PUBLICS :
DU CHOIX OPÉRATIONNEL À LA PHASE CONCEPTION

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