Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit administratif - 15e - 106

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L'ESSENTIEL DES GRANDS ARRÊTS DU DROIT ADMINISTRATIF
5 CE, sect., 1er oct. 2010, MmeTacite
« Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen : Toute société dans
laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ; qu'en
vertu de l'article 64 de la Constitution : Le président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire.
/(...) Une loi organique porte statut des magistrats (...) ;
Considérant que le principe de séparation des pouvoirs et celui de l'indépendance de l'autorité judiciaire, que traduisent
ces dispositions constitutionnelles, imposent que des garanties particulières s'attachent à la qualité de magistrat de l'ordre
judiciaire ; qu'ils impliquent notamment que ces derniers ne puissent se voir retirer cette qualité et les garanties particulières
qui s'y attachent qu'en vertu de dispositions expresses de leur statut et dans les conditions prévues par ces
dernières ; qu'aucune disposition ne prévoit qu'un magistrat de l'ordre judiciaire puisse se voir privé de sa qualité en
dehors de la procédure disciplinaire régie par les dispositions figurant au chapitre VII de l'ordonnance du 22 décembre
1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ; qu'il en résulte que le président de la République ne
pouvait rapporter le décret, fût-il illégal, du 18juillet 2007 et ainsi priver Mme
A, en dehors de toute procédure disciplinaire,
de la qualité de magistrat de l'ordre judiciaire que ce décret lui avait conférée ; (...) ».
(annulation).
■ Faits
La requérante, auditrice de justice reçue au concours d'entrée à l'ENM en 2004, a, à l'issue de la scolarité dans cette
école, été nommée aux fonctions de magistrat par un décret du président de la République du 18 juillet 2007, pour
exercer en qualité de substitut. Elle a reconnu avoir, alors auditrice de justice, effectué des achats en utilisant frauduleusement
le numéro de carte de crédit d'un magistrat auprès duquel elle avait effectué un stage. Elle a fait, pour
cette raison, l'objet de deux décisions du garde des Sceaux : une sanction d'exclusion définitive de l'ENM, puis une
révocation. Par un décret du 16 novembre 2007, le président de la République a rapporté (retiré) le décret du 18 juillet
2007 qui avait nommé l'intéressée dans les fonctions de magistrat.
■ Portée
L'annulation de la sanction prise à l'encontre de l'intéressée résulte d'un vice de forme considéré à raison comme substantiel
: un défaut concernant la consultation du Conseil supérieur de la magistrature, requise pour toute révocation à
titre disciplinaire d'un magistrat judiciaire du parquet, en application de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant
loi organique relative au statut de la magistrature (art. 59).
On précisera que la loi organique du 22 juillet 2010 relative à l'application de l'article 65 delaConstitution modifie le
statut des magistrats, et donne une définition de la faute disciplinaire pour les magistrats judiciaires, à la différence du cas
général dans la fonction publique. Il s'agit de « Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à
la délicatesse ou à la dignité ». Sur le fond, l'intéressée avait bien commis une telle faute. Comme l'annulation a eu lieu
au titre de la légalité externe, rien n'interdit donc à sa hiérarchie de recommencer une nouvelle procédure disciplinaire.
Le Conseil d'État précise bien que l'impossibilité de recourir au retrait de la nomination par l'auteur de l'acte (président
de la République) concerne bien les magistrats judiciaires spécifiquement, sans étendre cette solution aux autres fonctionnaires
ou agents publics. Il en donne explicitement les motifs (il s'agit de garantir la séparation des pouvoirs et la garantie
des droits). En principe, le retrait d'une décision administrative unilatérale individuelle illégale n'est possible que dans le
délai de quatre mois (CRPA, art. L. 243-3). Ce n'est néanmoins plus possible pour une personne qui a déjà acquis la
qualité de magistrat, afin de respecter le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.
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