Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit administratif - 15e - 166

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L'ESSENTIEL DES GRANDS ARRÊTS DU DROIT ADMINISTRATIF
2 CE, 14 janv. 1916, Camino
« Considérant que si le Conseil d'État ne peut apprécier l'opportunité des mesures qui lui sont déférées par la voie du
recours pour excès de pouvoir, il lui appartient, d'une part, de vérifier la matérialité des faits qui ont motivé ces mesures
et, d'autre part, dans le cas où lesdits faits sont établis, de rechercher s'ils pouvaient légalement motiver l'application des
sanctions prévues par la disposition précitée ; [...]
Considérant, que le motif tiré de ce que le maire d'Hendaye aurait méconnu les obligations qui lui sont imposées par la loi
du 5 avril 1884, en ne veillant pas à la décence d'un convoi funèbre auquel il assistait, repose sur des faits et des allégations
dont les pièces versées au dossier établissent l'inexactitude ; [...] »
(L'arrêté du Préfet des Basses-Pyrénées en date du 30 mars 1915 et le décret du 2 avril de la même année sont annulés).
■ Faits
Monsieur Camino, maire de la commune d'Hendaye, a fait l'objet d'une suspension puis d'une révocation pour faute,
pour n'avoir pas veillé à la décence d'un convoi funèbre - il aurait fait entrer ledit convoi par une brèche dans le mur
du cimetière - et pour avoir exercé certaines vexations à l'encontre d'une ambulance privée.
Il en demande l'annulation, qu'il obtient, au motif que les faits reprochés au maire sont inexacts.
■ Portée
Le Conseil d'État, pour prononcer l'annulation des sanctions prises à l'encontre du maire d'Hendaye, consacre ici en
excès de pouvoir son contrôle sur l'exactitude matérielle des faits qui motivent les décisions contestées en l'espèce,
une sanction. En effet, toute décision administrative doit être motivée en droit et en fait ; le juge administratif doit
donc contrôler les faits. Ce contrôle est paradoxalement consacré après celui de la qualification juridique des faits vraisemblablement
en raison de la compétence de l'administration active pour examiner ces faits dans sa prise de décision
(c'était l'application stricte de la séparation de l'administration active et du juge). Le contrôle de l'exactitude matérielle
des faits appartient aujourd'hui au contrôle minimum du juge administratif en excès de pouvoir. Il s'agit d'un moyen
qui aboutit rarement. Le Conseil d'État s'était engagé dans quelques arrêts précédents sur la voie du contrôle des
faits, mais pas aussi clairement : en effet, il appliquait plutôt un contrôle de la « pure » application de la loi. Ceci
étant, il ne dispense pas en principe le demandeur de prouver ses assertions, ce qui peut s'avérer compliqué lorsque
c'est l'administration qui dispose des éléments d'instruction de la demande du public. C'est pourquoi le juge administratif
aménage parfois la charge de la preuve : il peut admettre que la preuve de l'inexactitude matérielle du fait
puisse résulter des pièces du dossier. En tout état de cause, son contrôle n'amènera pas le juge à se substituer à
l'administration pour apprécier l'opportunité de la décision à prendre.
L'arrêt Camino confirme le caractère vraiment prétorien du droit administratif, et l'augmentation progressive du
contrôle du juge administratif sur l'administration active. Si le Conseil d'État confirme bien qu'il ne juge pas de l'opportunité
de cette action, il examine donc de plus en plus précisément les circonstances du litige, et les faits lui servent
clairement à mieux contrôler l'ensemble de la chaîne logique qui a conduit l'administration à prendre sa décision.
Le contrôle de l'exactitude matérielle des faits pose d'autres difficultés en matière de contrôle de cassation. En effet, le
Conseil d'État, en tant que juge de cassation, est supposé juger du droit et non du fait (autrement dit, il juge le jugement
qui lui est soumis, et non plus les faits). En ce qui concerne l'appréciation des faits, les juges du fond sont en
principe souverains. Or, le Conseil d'État, quelques années après sa décision Camino, qui va lui servir de modèle, va
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