Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit administratif - 15e - 194

192
L'ESSENTIEL DES GRANDS ARRÊTS DU DROIT ADMINISTRATIF
7 CE, ass., 10 avril 1992, Époux V.
« Sur le principe de la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, [...] que la césarienne pratiquée sur Mme
V. présentait, en raison de l'existence
d'un placenta prævia décelé par une échographie, un risque connu d'hémorragie pouvant entraîner une hypotension et
une chute du débit cardiaque [...] ;
Considérant que le médecin anesthésiste de l'hôpital a administré à Mme
V., avant le début de l'intervention, une dose
excessive d'un médicament à effet hypotenseur; qu'une demi-heure plus tard une chute brusque de la tension artérielle,
accompagnée de troubles cardiaques et de nausées, a été constatée ; que le praticien a ensuite procédé à l'anesthésie
péridurale prévue et a administré un produit anesthésique contre-indiqué compte tenu de son effet hypotenseur; qu'une
deuxième chute de la tension artérielle s'est produite à onze heures dix ; qu'après la césarienne et la naissance de
l'enfant, un saignement s'est produit et a été suivi, à onze heures vingt-cinq, d'une troisième chute de tension qui a
persisté malgré les soins prodigués à la patiente ; qu'à douze heures trente, du plasma décongelé mais insuffisamment
réchauffé a été perfusé, provoquant immédiatement une vive douleur suivie de l'arrêt cardiaque ;
Considérant que les erreurs ainsi commises - qui ont été, selon les rapports d'expertise, la cause de l'accident survenu à
Mme
V. - constituent une faute médicale de nature à engager la responsabilité de l'hôpital ; »
■ Faits
Mme
V. a subi, le 9 mai 1979, quelques jours avant le terme de sa grossesse, à l'hôpital, une césarienne pratiquée sous
V. a pu être réanimée sur place, puis soignée au centre hospitalier régional de Rouen,
anesthésie péridurale. Au cours de l'opération plusieurs chutes brusques de la tension artérielle se sont produites,
suivies d'un arrêt cardiaque. Mme
où elle a été hospitalisée. Elle demeure atteinte d'importants troubles neurologiques et physiques provoqués par
l'anoxie cérébrale consécutive à l'arrêt cardiaque survenu au cours de l'intervention du 9 mai 1979.
■ Portée
Le Conseil d'État révise dans cette affaire un fondement de la responsabilité hospitalière.Il abandonne l'exigence
de la faute lourde (caractère lié à la gravité des dommages subis) pour les dommages causés aux usagers par les
activités médicales ou chirurgicales, afin de donner plus facilement satisfaction aux victimes. Il avait déjà consacré
un tel système de responsabilité pour faute simple en cas de défaillance dans l'organisation ou le fonctionnement du
service (p. ex. erreur administrative, défaut d'information du patient sur le coût de son hospitalisation), ou pour les
actes de soins courants ne nécessitant pas la présence d'un médecin (p. ex. perfusion). Une année après l'arrêt ici
commenté, le Conseil d'État étendra la faute simple en matière de transfusion sanguine.
Chaque faute commise dans cette affaire ne pouvait, individuellement, être considérée comme une faute lourde, ce
qui aurait, sous l'empire de la jurisprudence antérieure, conduit au rejet de la requête à ce titre. En l'occurrence, c'est
l'accumulation des erreurs commises qui constitue une faute médicale de nature à engager la responsabilité de
l'hôpital (la preuve de la faute est toujours nécessaire). Cette faute, qui n'est pas une faute lourde, est toutefois d'une
nature particulière : comme l'a indiqué le commissaire du gouvernement Legal dans ses conclusions, il ne s'agissait, par
cette évolution jurisprudentielle, « ni de transformer l'obligation de moyens en obligation de résultat ni d'assimiler la
faute médicale à d'autres fautes (...) Il s'agit d'une faute spécifique régie par les lois particulières de la discipline en
cause », qui sera appréciée in concreto, au cas par cas.
On notera que la responsabilité hospitalière peut être engagée sans faute sur le fondement du risque au cas d'utilisation
de produits sanguins par les hôpitaux et le Centre national de la transfusion sanguine en cas de contamination
Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit administratif - 15e

Table des matières de la publication Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit administratif - 15e
