Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit administratif - 15e - 50

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L'ESSENTIEL DES GRANDS ARRÊTS DU DROIT ADMINISTRATIF
5 CE, sect., 7 févr. 1936, Jamart
« Considérant que si, même dans le cas où les ministres ne tiennent d'aucune disposition législative un pouvoir réglementaire,
il leur appartient, comme à tout chef de service, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de
l'administration placée sous leur autorité, et s'ils peuvent notamment, dans la mesure où l'exige l'intérêt du service, interdire
l'accès des locaux qui y sont affectés aux personnes dont la présence serait susceptible de troubler le fonctionnement
régulier dudit service, ils ne sauraient cependant, sauf dans des conditions exceptionnelles, prononcer, par une décision
nominative, une interdiction de cette nature contre les personnes qui sont appelées à pénétrer dans les locaux affectés au
service pour l'exercice de leur profession ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les lettres adressées par le sieur Jamart au ministre des Pensions, quel qu'ait
été leur caractère regrettable, ne contenaient pas de menace précise de nature à troubler le fonctionnement du centre de
réforme de Paris où le requérant, Docteur en médecine, était appelé à pénétrer pour assister, en vertu de l'article 9 § 5 de
la loi du 31 mars 1919, les anciens militaires bénéficiaires de ladite loi ; que, par suite, en lui interdisant, d'ailleurs sans limitation
de durée, l'accès de tous les centres de réforme, le ministre des Pensions a excédé ses pouvoirs ; »
(Annulation).
■ Faits
Suite à divers courriers par lesquels il signifiait son mécontentement, le sieur Jamart s'est vu interdire par le ministre des
Pensions l'accès au ministère, alors qu'il devait participer à des examens médicaux à destination d'anciens militaires
souhaitant continuer à bénéficier de leur pension. Le Conseil d'État admet la recevabilité de son recours, son bienfondé,
mais surtout, il établit dans cet arrêt fondamental les limites du pouvoir du ministre à l'intérieur de son
ministère.
■ Portée
Le Conseil d'État consacre le principe selon lequel « même dans le cas où les ministres ne tiennent d'aucune disposition
législative un pouvoir réglementaire, il leur appartient, comme à tout chef de service, de prendre les mesures
nécessaires au bon fonctionnement de l'administration placée sous leur autorité ». Ce pouvoir leur appartient même
en l'absence de texte (loi ou décret), car il s'agit de garantir la bonne organisation de l'administration.
Cette décision règle un point important : celui de la compétence administrative des ministres, qui ne disposent pas du
pouvoir réglementaire général, que ce soit sous la Constitution de 1875 (celle applicable lors du litige), ou celles qui
lui ont succédé (jusqu'à celle de 1958 y compris).
En d'autres termes, la qualité de chef de service d'un ministre ne lui donne pas accès au pouvoir réglementaire de
« droit commun », ou « général » (celui d'exécution des lois par des décrets d'application, en vertu de l'article 21 de la
Constitution), qui est réservé aujourd'hui au Premier ministre (qui dispose par ailleurs du pouvoir réglementaire autonome
en vertu de l'article 37 de la Constitution), mais uniquement à un certain pouvoir réglementaire (qu'il peut
exercer par la voie d'actes unilatéraux : arrêtés, notes de services, circulaires, lignes directrices).
Un ministre peut fixer les règles d'organisation et de fonctionnement des services, c'est-à-dire notamment organiser le
recrutement ou la rémunération des personnels, le droit de grève, les règles d'utilisation du service par les usagers. Il
comporte aussi des limites importantes : un ministre, comme tout chef de service, ne peut pas créer des obligations
nouvelles, ni modifier le statut des agents (le statut des fonctionnaires est en effet régi par la loi et par des statuts
particuliers qui prennent en principe la forme de décrets en Conseil d'État), car il ne dispose pas du pouvoir
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