Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit administratif - 15e - 66

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L'ESSENTIEL DES GRANDS ARRÊTS DU DROIT ADMINISTRATIF
4 CE, sect., 26 juin 1959, Syndicatgénéraldes ingénieurs-conseils
« Sur la légalité du décret attaqué :
Considérant que le 25juin 1947, alors que n'avait pas pris fin la période transitoire prévue par l'article 104 de la Constitution
du 27 octobre 1946, le président du conseil des ministres tenait de l'article 47 de ladite Constitution le pouvoir de
régler par décret, dans les territoires dépendant du ministère de la France d'outre-mer, en application de l'article 18 du
sénatus-consulte du 3 mai 1854, les questions qui, dans la métropole, ressortissaient au domaine de la loi ; que, dans
l'exercice de ces attributions, il était cependant tenu de respecter d'une part, les dispositions des lois applicables dans les
territoires d'outre-mer, d'autre part, les principes généraux du droit qui, résultant notamment du préambule de la Constitution,
s'imposent à toute autorité réglementaire même en l'absence de dispositions législatives ;
Considérant, en premier lieu, que la loi du 31 décembre 1940 n'était pas applicable dans les territoires visés par le décret
attaqué ; que les dispositions du Code civil, ayant été introduites dans ces territoires par décret, y avaient seulement valeur
réglementaire ; que, par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que le décret attaqué serait entaché d'illégalité
en tant qu'il méconnaîtrait les prescriptions de ces deux textes ;
Considérant, en second lieu, qu'en réservant aux architectes, dans les territoires qu'il concerne, le soin de " composer tous
les édifices, d'en déterminer les proportions, la structure, la distribution, d'en dresser les plans, de rédiger les devis et de
coordonner l'ensemble de leur exécution " et en interdisant ainsi aux membres d'autres professions de se livrer à ces activités,
le décret attaqué, s'il est intervenu dans une matière réservée dans la métropole au législateur, n'a porté à aucun
des principes susmentionnés une atteinte de nature à entacher d'illégalité les mesures qu'il édicte ; »
(Rejet).
■ Faits
Le président du Conseil avait pris, comme l'en autorisait alors la Constitution, un décret (dans le domaine de la loi)
réglementant la profession d'architecte dans les colonies, en instituant notamment un monopole d'activité au profit
des architectes inscrit au barreau de l'ordre. Le syndicat des ingénieurs-conseils déféra ce décret à la juridiction administrative,
au motif qu'il interdisait à ses membres l'exercice de la profession.
■ Portée
L'apport de cet arrêt ne réside pas, contrairement à ce que l'on pourrait penser, dans la détermination de règles de
compétence : le président du conseil pouvait à l'époque valablement prendre des décrets dans le domaine de la loi.
L'apport de l'arrêt réside dans l'affirmation du contrôle juridictionnel du juge administratif sur des actes pris dans ce
domaine de la loi.
Le Conseil d'État applique dans cette affaire un critère organique et précise que, lorsque le président du Conseil agit
ainsi, les normes qu'il émet sont soumises aux lois, mais aussi aux principes généraux du droit, qui s'imposent à toute
autorité administrative réglementaire, même en l'absence de loi.
Autrement dit, les principes généraux du droit s'imposent à tout détenteur du pouvoir réglementaire, c'est-à-dire sous
la Constitution de 1958, au président de la République (qui a un pouvoir réglementaire « résiduel » dans le cadre de
l'art. 13 de la Constitution), au Premier ministre (dans le cadre de son pouvoir réglementaire « de droit commun » tiré
de l'art. 21 de la Constitution), et même dans le cadre de l'exercice du pouvoir réglementaire dit « autonome »
(Const., art. 37), ou encore lorsque le gouvernement bénéficie d'une habilitation du Parlement en vertu de l'article 38
de la Constitution (tant que les ordonnances prises sur ce fondement ne sont pas ratifiées), ou lorsque le président de
la République prend des ordonnances prises sur le fondement d'une loi d'habilitation référendaire.
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