Les Carrés Rouge - L'essentiel de l'introduction historique au droit - 7e - 77

CHAPITRE 5 - Le pluralisme juridique médiéval
75
c) L'inaliénabilité du domaine royal
Si la transmission héréditaire de la couronne et la disparition des partages semblent préserver le
domaine royal, celui-ci reste considéré comme appartenant au patrimoine privé du roi. L'application
de règles spécifiques de droit public instaure un régime particulier, protecteur de l'intégrité
du domaine royal. Lié à la question de la couronne, le statut du domaine participe de la continuité
de l'État.
Sous les premiers Capétiens, le domaine royal ressemble au patrimoine des princes territoriaux et
ne s'étend guère au sud au-delà d'Orléans et au nord de Paris. Le pouvoir royal ne s'exerce réellement
que sur le domaine où il est seigneur direct. L'autorité du roi est même contestée dans cet
étroit ressort par des châtelains rebelles qu'il réussit péniblement à faire rentrer dans le rang au
XII
e
siècle. Au-delà, son autorité est médiatisée par les grands princes territoriaux. Les légistes vont
cependant mettre à profit la théorie de la suzeraineté royale pour placer sous sa domination indirecte
l'ensemble des arrière-vassaux. En outre, le roi utilise la commise féodale qui permet au roi
de France de confisquer les possessions françaises du roi d'Angleterre, Jean sans Terre, fautif en
tant que duc d'Aquitaine envers son vassal de Lusignan et déclaré félon pour avoir refusé de
comparaître devant la justice royale : Normandie, Anjou, Touraine, Poitou, le gain pour le
domaine royal est considérable. En outre, le droit de déshérence offre l'opportunité d'annexer les
seigneuries dépourvues d'héritier, compensant les apanages. Les mariages royaux apportent également,
en dot ou après héritage, de nombreuses terres ; enfin, des comtés sont achetés par la
couronne.
En plus de ce domaine, le roi possède des droits féodaux et seigneuriaux, des revenus immobiliers
ainsi que des droits liés à sa qualité, en particulier sur les ressources et équipements utiles à la
collectivité. Si l'idéal médiéval est que le roi doit « vivre du sien », à savoir se contenter des
revenus ordinaires tirés de la gestion de son domaine, la montée en puissance des charges publiques,
liée à la permanence des guerres, rend nécessaire la perception de recettes extraordinaires.
C'est ce recours à l'impôt qui rend plus forte la pression pour préserver l'intégrité du domaine,
sauvegarder ses revenus et les mettre à l'abri du risque de dilapidation engendré par la conception
patrimoniale du domaine. Un régime juridique exorbitant du droit commun place les biens publics
sous une haute protection qui répond à l'attente exprimée par les États généraux. La montée de la
pression fiscale mécontente les députés du tiers état qui obtiennent l'engagement, dans le
serment du sacre, de ne plus procéder à des aliénations. Le principe d'inaliénabilité va servir de
fondement aux révocations des dilapidations opérées par les prédécesseurs.
Toutefois, le domaine continue à être amputé par la pratique des apanages au profit des
membres de la famille royale exclus de la succession au trône de France. Or, l'extension territoriale
du domaine royal contribue paradoxalement à aggraver l'ampleur des démembrements, en

Les Carrés Rouge - L'essentiel de l'introduction historique au droit - 7e

Table des matières de la publication Les Carrés Rouge - L'essentiel de l'introduction historique au droit - 7e