En poche - Régimes des libertés et droits fondamentaux - 5e - 16

civil. La France s'y est d'abord refusée au nom du principe d'indisponibilité
de l'état des personnes. Mais, condamnée par la Cour européenne
(CEDH, 25 mars 1992, n° 13343/87, Botella c/ France), elle a dû procéder
à un revirement (Cass. ass. plén., 11 déc. 1992, n° 91-11900). Les conditions
rigoureuses qui impliquaient la preuve médicale d'une transformation
irréversible (stérilisation) ont elles aussi été jugées contraires aux
exigences européennes. Aux yeux du juge, cela revenait à conditionner
le plein exercice du droit au respect de la vie privée à la renonciation de
celui du droit au respect de l'intégrité physique garanti par l'article 3 de la
Convention (CEDH, 6 avr. 2017, n° 79885/12, Garçon et Nicot c/ France),
ce qui a conduit le législateur à instituer une procédure dédiée (L. n° 20161547,
18 nov. 2016 dite Justice du xxie
siècle). À défaut d'être déjudiciarisée,
la procédure est désormais démédicalisée, la personne pouvant
apporter par tout moyen la preuve que « la mention relative à son sexe à
l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente » (C. civ.,
art. 61-5). Pour préserver l'identité et la vie privée d'autrui, l'article 61-8 du
Code civil précise toutefois que cette modification de la mention du sexe
dans les actes de l'état civil est sans effet sur les obligations contractées
à l'égard de tiers ou sur les filiations établies avant cette modification.
Cette procédure n'est pas accessible aux mineurs (v. toutefois CA Chambéry,
25 janv. 2022, n° 21/01282), mais les pouvoirs publics ont néanmoins
encouragé le respect de leur identité réelle en demandant que soit
utilisé, dans les établissements scolaires, le prénom de leur choix avec
l'accord des parents (Circulaire dite Blanquer du 29 sept. 2021, validée
par CE, 29 déc. 2023, n° 463697). L'idée est de mieux prendre en compte
la situation des mineurs transgenres alors que la question de leur accès
aux traitements médicaux (traitements hormonaux dont les bloqueurs de
puberté et a fortiori interventions chirurgicales) suscite aujourd'hui encore
de vifs débats.
La possibilité de choisir son identité de genre ne va pas jusqu'à permettre
aux personnes intersexes de choisir à l'état civil un sexe autre que masculin
ou féminin (Cass. 1re
civ., 4 mai 2017, n° 16-17189), solution jugée
conforme aux exigences européennes tirées de l'art. 8 (CEDH, 31 janv.
2023, n° 76888/17, Y c/ France) compte tenu de la marge nationale
d'appréciation étendue dont disposent les États et des intérêts publics
en jeu, à savoir le « respect du principe de l'indisponibilité de l'état des
personnes », « la nécessité de préserver la cohérence et la sécurité des
actes de l'état civil » et « l'organisation sociale et juridique du système
français ». La loi de bioéthique du 2 août 2021 facilite néanmoins « la
rectification de l'indication du sexe [à l'état civil] et, le cas échéant, des
prénoms (...) à la demande de toute personne présentant une variation
du développement génital ou, si elle est mineure, à la demande de ses
représentants légaux » dès lors qu'« il est médicalement constaté que
son sexe ne correspond pas à celui figurant sur son acte de naissance »
(C. civ., art. 99 al. 2). Surtout, conformément aux demandes formulées
dès 2016 par plusieurs instances onusiennes (Comité des droits de l'enfant,
Comité contre la torture) et européennes (Assemblée du Conseil de
l'Europe, Parlement européen), la loi vise à mieux protéger les enfants
intersexes contre les interventions non nécessaires médicalement (CSP,
art. L. 2131-6) et organise une meilleure prise en charge, y compris psychosociale,
des enfants et de leurs parents.
Le droit au respect de la vie privée
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