En poche - Régimes des libertés et droits fondamentaux - 5e - 19

l'absence de définitions des unes et des autres, la distinction n'est pas
chose aisée. Après tout, ne peut-on pas considérer avec malice que les
religions sont des sectes qui ont réussi ?
La liberté religieuse comprend ensuite le droit de manifester sa foi (for
extérieur) par le port de signes religieux, par le culte (y compris en
prison, avec les aumôneries), par des pratiques rituelles (sur l'observance
de règles alimentaires par un détenu bouddhiste, CEDH, 7 déc.
2010, n° 18429/06, Jacobski c/ Pologne ; sur l'abattage rituel, CEDH, 27
juin 2000, n° 27417/95, Cha'are Shalom c/ France)... Comme le précise
l'art. 9 § 2 de la CESDH, cette dimension de la liberté religieuse peut,
sous certaines conditions étroitement contrôlées par le juge, être restreinte
par l'État. La Cour a par exemple admis qu'un État interdise, au
nom du vivre ensemble, la dissimulation du visage dans les lieux publics
(CEDH, 1er
juill. 2014, n° 43835/11, SAS c/ France), qu'il impose, au nom
de la sécurité publique, de fournir une photographie tête nue pour la délivrance
du permis de conduire (CEDH, 13 nov. 2008, n° 24479/07, Shingara
Mann Singh c/ France) ou encore qu'il prohibe l'abattage rituel sans
étourdissement au nom de bien-être animal - lequel ne figure certes
pas dans la liste de l'art. 9, § 2, mais se rattache aux valeurs morales -
(CEDH, 3 févr. 2024, n° 16760/22, Executief van de Moslims van Belgie
c/ Belgique). Il n'en demeure pas moins qu'aux yeux du juge européen, la
liberté religieuse est des plus essentielles, le pluralisme religieux étant
consubstantiel à toute société démocratique (CEDH, 25 mai 1993,
n° 14307/88, Kokkinakis c/ Grèce).
Une protection indirecte
La liberté religieuse est également indirectement garantie par l'interdiction
des discriminations fondées sur la religion de la personne (PIDCP,
art. 2 ; CEDH, art. 14 ; Dir. 2000/78, 27 nov. 2000, C. pén., art. 225-1 ; C.
trav., art. L. 1132-1), ce qui peut impliquer de procéder à certains aménagements,
notamment dans l'emploi (CEDH, 15 janv. 2013, n° 48420/10,
Eweida, Chaplin, Ladele et Mc Farlane c/ Royaume-Uni).
Une autre garantie de l'effectivité de la liberté de religion réside en France
dans le principe de laïcité. Cette neutralité à laquelle s'oblige l'État a
été consacrée dans la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises
et de l'État, puis réaffirmée avec force par la Constitution de 1958 qui
dispose que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique
et sociale » (art. 1er
). La laïcité nécessite trois ingrédients : la liberté
de religion, l'absence de religion officielle ou privilégiée et l'absence
de distinction entre les usagers des services publics selon leur
appartenance religieuse. Pour garantir l'égalité de traitement des usagers
devant le service public, les agents doivent être neutres (CE, avis,
3 mai 2000, n° 217017, Mlle Marteau) et ne pas manifester leur appartenance
religieuse, ce qui est jugé conforme à l'art. 9 § 2 CESDH (CEDH,
26 nov. 2015, n° 64846/11, Ebrahimian c/ France). Par exception, le législateur
a imposé cette neutralité à certains usagers du service public,
les élèves de l'enseignement public primaire et secondaire, afin de garantir
leur liberté de conscience et l'égal respect de toutes les convictions. En
vertu de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 - jugée elle aussi conforme
aux exigences de la CESDH (CEDH, 4 déc. 2008, n° 27058/05, Dogru
c/ France) -, ils ne peuvent arborer de signes ou de tenues par lesquels ils
manifestent ostensiblement une appartenance religieuse (y compris les
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