Hors collection - Le patrimoine du chef d'entreprise - 3e - 19

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d'influence...). Dans ce contexte, les entreprises n'ont d'autres choix que de se mettre en adéquation
avec les attentes de la société civile pour transformer les contraintes sociétales et environnementales
en opportunités d'affaires et créer ainsi de la valeur partagée.
En tant que représentant de l'entreprise qu'il dirige, le dirigeant doit incarner et défendre la raison
d'être et les valeurs fondamentales de son entreprise et il doit s'assurer que celle-ci crée de la valeur
partagée. En 2011, dans un article6
retentissant publié dans la Harvard Business Review, Michael
Porter et Mark Kramer, tous deux professeurs de stratégie à Harvard, ont enjoint les entreprises à
passer de la « shareholder value » (création de valeur pour les actionnaires) à la « stakeholder value »
(création de valeur partagée avec toutes les parties prenantes y compris les actionnaires et la société
civile). Il s'agit pour les dirigeants de mettre en place des stratégies et des pratiques managériales
« qui accroissent la compétitivité des entreprises tout en améliorant les conditions économiques et
sociales des communautés au sein desquelles les entreprises opèrent ». En clair, pour être acceptées
par les sociétés civiles, les entreprises vont devoir de gré ou de force chercher à être rentables tout en
étant utiles à la collectivité.
Pour Kramer et Porter, la crise de légitimité que connaissent aujourd'hui les firmes dans le monde est
due au fait que les dirigeants ont trop longtemps oublié la raison d'être de leur entreprise pour se
consacrer à la défense exclusive des actionnaires. Ils ont fait l'erreur d'opposer la profitabilité à court
terme et la contribution sociétale alors que ces deux dimensions étaient tout à fait conciliables. Mais
les autorités publiques ont aussi leur part de responsabilité car elles ont accepté l'idée, prônée notamment
par l'économiste Arthur Pigou, que les externalités négatives générées par l'activité économique
pouvaient être simplement compensées par des taxes (en application du principe du « pollueur
payeur », il est possible de continuer à polluer à condition de verser une compensation financière)
dans un contexte où les économistes libéraux ont fait pression pour que les contraintes pesant sur les
entreprises soient constamment réduites. La plupart des entreprises ont donc considéré que pour
mener une politique socialement responsable, il suffisait de payer ses impôts et de faire convenablement
son métier en respectant les usages et les règles en vigueur. Dans ce contexte, la « RSE 1.0 »a
trop souvent été considérée comme une forme de bienveillance sociale ou comme une réponse à des
contraintes émises par la société civile. Les entreprises se sont dès lors trop longtemps évertuées à
essayer de développer des modèles économiques dépassés en ignorant les facteurs clés de succès à
long terme et en oubliant toute une clientèle à faible pouvoir d'achat. Les revendications sociales et
environnementales sont donc restées confinées à l'extérieur de l'entreprise et la thématique de la
RSE n'a été utilisée que comme un outil de communication servant à sauvegarder la réputation des
entreprises et de leurs dirigeants. Par ailleurs, comme les entreprises n'investissent que dans les
domaines où elles peuvent mesurer les résultats, les investissements dans des activités dites RSE, qui
sont plus difficiles à évaluer, sont restés à la marge sans jamais être intégrés à la stratégie. Comme le
notent Porter et Kramer, il aurait été pourtant très rationnel de chercher à créer de la valeur partagée
(c'est-à-dire de la valeur pour l'entreprise elle-même mais également pour la société civile dans son
ensemble. C'est pourquoi, à l'avenir, les entreprises qui auront du succès seront celles qui feront
d'importants efforts pour parvenir à identifier et à exploiter les stratégies qui créent de la valeur
partagée comme elles ont su le faire par le passé lorsqu'elles cherchaient à créer de la valeur
actionnariale.
6. M. Porter et M. Kramer, « Creating Shared Value - The Big Idea », Harvard Business Review, 2011.
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