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MÉMENTOS - DROIT DES ÉTRANGERS
42. Compromis de 1984. Avec l'alternance de 1981, la loi Questiaux du 29 octobre
1981 confirma cette orientation rigoureuse en créant néanmoins différentes garanties
au bénéfice des étrangers, par exemple la judiciarisation de la rétention administrative
ou de la nouvelle procédure de reconduite à la frontière. En effet, un véritable
compromis entre les deux grandes forces politiques de gouvernement émergea
progressivement au fur et à mesure des discussions parlementaires de la première
moitié des années 1980. Aux termes de ce compromis, il faudrait intégrer les étrangers
en situation régulière, et expulser ceux qui ne le sont pas. Cette « règle du jeu » politique,
qui tient toujours, transparaît particulièrement des débats sur la loi nº 84-622 du
17 juillet 198476
.
43. Aujourd'hui. Depuis cette date, aucune grande force politique ne se prévaut plus
du projet utopique de l'abolition des frontières (no borders) et de la liberté absolue de
circulation, qui fut néanmoins défendu par de grands penseurs, tels que de Vitoria
(De Indis, 1539), Grotius (De la liberté des mers, 1609), le moine pacifiste Émeric
Crucé (Nouveau Cynée ou Discours d'Estat représentant les occasions et moyens
d'establir une paix générale & la liberté de commerce pour tout le monde, 1623), ou
encore Kant dans son Projet de paix perpétuelle de 1795. Inversement, syndrome des
inquiétudes françaises face à l'immigration, certaines forces politiques exploitent à
nouveau la peur de l'invasion étrangère ou du « grand remplacement », défendant
ainsi une fermeture des frontières. La progression de ces idées et l'exposition constante
de la question migratoire sous les feux des projecteurs politiques ont rendu ces
40 dernières années profondément contradictoires. En effet, le compromis de 1984 a
continué, au moins formellement, d'inspirer l'équilibre des nombreuses lois votées. En
outre, le statut de certains ressortissants étrangers s'est assoupli, à commencer par
celui des citoyens européens (v. infra, nº 149 et s.). Néanmoins, plusieurs de ces lois
ont spécialement durci le statut juridique des personnes étrangères en accentuant ses
caractères discriminatoire et précaire (v. infra, nº 48 et s.), par exemple la loi Pasqua du
22 juillet 1993 qui poursuivait l'objectif de l'immigration « zéro » ou, dernièrement, la
loi du 26 janvier 2024. Le droit de l'UE suit aussi cette direction, comme l'illustre en
dernier lieu l'adoption au printemps 2024 du « Pacte asile et migration » (v. infra,
nº 84). En outre, un ministère de l'Intégration, de l'Identité nationale et du
Développement solidaire a symboliquement été créé entre 2007 et 2010.
44. Ces lois sévères interrogent fondamentalement la possibilité pour l'État, dépositaire
de la souveraineté, de maîtriser « le mouvement des hommes sur Terre »77
. En effet,
l'immigration continue de croître en France78 et au sein de l'UE. De plus, le taux français
de natalité en berne combiné au vieillissement de la population et à la nécessité
de pourvoir à certains emplois destine probablement la France à demeurer, à court et
à moyen terme, un pays d'immigration. Cette situation pose évidemment des questions
fondamentales sur l'intégration des étrangers en France ou, finalement, sur ce
qu'est un Français79
.
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76. Weil P., La France et ses étrangers, op. cit., p. 263.
77. Darmanin G. : JOAN 6 déc. 2022.
78. Héran F., Immigration : le grand déni, op. cit., p. 29 et s.
79. Weil P., Qu'est-ce qu'un Français ?, op. cit.
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